Après une première introduction à la théorie moderne du portefeuille montrant les avantages de la diversification d'un portefeuille de titres risqués (article que le Captain' vous conseille fortement de lire pour comprendre la suite), nous allons continuer aujourd'hui cette série en nous intéressant à la Capital Market Line (ou Droite de marché des capitaux). Pour cela, nous allons devoir introduire un titre sans risque comme possibilité d'investissement. Mais Captain', c'est quoi un titre sans risque déjà ?
Comme nous l'avons vu dans l'introduction à la théorie du portefeuille, le risque d'un actif est calculé en fonction de sa volatilité (d'un point de vue mathématique, on parle alors d'écart-type). Plus il est difficile de prévoir le rendement futur d'un actif, plus celui-ci est risqué. Un actif sans risque est donc un actif dont le rendement futur est connu avec certitude (= volatilité nulle). A l'école, le Captain' a gentiment appris "l'actif sans risque est l'emprunt obligataire d'Etat de maturité correspondante" ! Mais ce qui était vrai il y a quelques années ne l'est plus depuis la crise de la dette. Impossible en effet de considérer actuellement les obligations souveraines françaises comme "sans risque". Le débat sur "comment choisir le taux sans risque" est assez fourni, mais ici nous nous contenterons de considérer l'obligation souveraine Allemande comme l'actif sans risque (lire "L'Allemagne emprunte à un taux négatif ! C'est quoi ce bordel?").
Nous avons donc maintenant un actif sans risque, dont le rendement futur est certain. En tant qu'investisseur, vous avez donc désormais la possibilité d'investir une partie de votre portefeuille dans l'actif sans risque, et une partie dans un actif risqué (actions ou obligations d'entreprises). Pour l'exemple, l'actif sans risque sera le Bund (nom de l'emprunt d'Etat allemand à 10 ans) et l'actif risqué sera une action de l'entreprise AXA. Le rendement de votre nouveau portefeuille sera donc égal à la moyenne pondérée des rendements de l'actif sans risque et du titre risqué. Ãtant donné que l'actif sans risque a une volatilité nulle (et donc un écart-type nul), le risque de votre portefeuille sera simplement égal à la pondération de l'actif risqué multiplié par l'écart-type de ce dernier. La preuve en formule, avec X1 le pourcentage de votre portefeuille investi en actif sans risque, et X2 le pourcentage investi dans l'actif risqué (avec bien sûr, X1 + X2 = 1) et "E" l'espérance mathématique du taux de rendement.
Il est possible d'étendre le même raisonnement, mais en prenant un portefeuille de titres risqués à la place d'un seul actif risqué. C'est ici la même chose, le nouveau portefeuille constitué de l'actif sans risque et d'un ensemble d'actifs risqués aura les mêmes fonctions d'espérance et d'écart-type (= les mêmes fonctions de rendement et de risque). Si X2=0 (et donc X1=1), alors le rendement espéré du portefeuille est égal au taux sans risque, et le risque est nul.
Il est alors possible de tracer un nouvel ensemble de portefeuilles, constitué de l'ensemble des portefeuilles efficients (sur notre courbe bleue) de titres risqués et de l'actif sans risque. Les nouveaux portefeuilles possibles sont donc représentés par des droites, ayant pour ordonnée à l'orgine le taux sans risque (si X2=0 et X1=1, alors le risque du portefeuille est nul et sa rentabilité est celle du taux sans risque), et passant donc par le portefeuille de titres risqués efficients (si X1 = 0 et X2=1, on a donc notre portefeuille initial de titres risqués). En reprenant notre graphique d'hier et en considérant 3 portefeuilles de titres risqués A (portefeuille de bon père de famille, car risque faible), B (portefeuille intermédiaire) et C (portefeuille de Felix Baumgartner, maximum risque et maximum rendement espéré), que l'on mix avec l'actif sans risque, cela nous donne alors 3 droites de combinaisons possibles entre un portefeuille plus ou moins risqué et l'actif sans risque.
Nos trois droites commencent donc toutes au niveau du taux sans risque, et passent par le portefeuille de titres risqués correspondant. Pourquoi est-ce une droite ? Car si par exemple un investisseur choisi de répartir également son portefeuille entre l'actif sans risque et les actifs risqués (donc X1 = X2 = 0,5), alors le rendement espéré de ce nouveau portefeuille sera donc égal au rendement de l'actif sans risque + le rendement des actifs risqués, le tout divisé par deux. Le risque de ce nouveau portefeuille sera égal, en utilisant la formule ci-dessous, à la moitié du risque des actifs risqués. On a donc bien une relation linéaire. Mais pourquoi la droite ne s'arrête t-elle pas au niveau de la frontière d'efficience (la courbe bleue). En effet, par exemple si l'on regarde le point A, il correspond déjà à une situation où X1 = 0 et X2 = 1, c'est à dire où 100% est investi en actifs risqués ! Pour pourvoir continuer les droites, on suppose en effet qu'il est possible d'emprunter au taux sans risque (donc d'avoir une valeur de X1 négative) pour investir davantage encore en actifs risqués (donc une valeur de X2 supérieure à 1). En supposant que le taux de prêt est égal au taux d'emprunt, cela permet donc de continuer la droite.
Allez encore un peu de courage, nous sommes presque au bout ! Comment trouver à partir du graphique précédent la meilleure combinaison de titres risqués, qui associée à l'actif sans risque, permet de déterminer notre nouvelle frontière d'efficience ? Et bien regarder les trois droites du graphique précédent (les trois droites partant du taux sans risque), et essayer de me dire laquelle vous semble la "meilleure", c'est à dire ayant le meilleur ratio risque-rendement... Allez, on cherche un peu ! Notre nouvelle droite d'efficience est donc ... la droite rouge, car, pour tous les niveaux, une combinaison entre le portefeuille d'actifs risqués "B" et l'actif sans risque apporte un meilleur rendement pour un risque prédéfini (ou un risque moindre pour un rendement donné).
Le portefeuille B est appelé "combinaison optimale de titres risqués", ou encore "portefeuille de marché". Pour avoir un portefeuille efficient, un investisseur doit donc investir une partie dans le portefeuille de marché, et une partie dans l'actif sans risque. Le choix des pondérations dépend de l'aversion au risque de chaque investisseur (et donc de sa fonction d'utilité). Mais si votre portefeuille ne se situe pas sur la droite rouge, alors vous pouvez, avec un meilleur choix d'allocation d'actifs (1) soit diminuer votre risque sans baisser le rendement de votre portefeuille ou (2) augmenter le rendement de votre portefeuille sans augmenter le risque.
Et cette fameuse droite rouge est ... wait for it ... la fameuse Capital Market Line ! C'est la droite tangente à la frontière d'efficience des portefeuilles risqués passant par le taux sans risque.
Il ne nous reste plus qu'à définir l'équation de cette droite. L'équation d'une droite est toujours de la forme y = ax + b, avec "b" l'ordonnée à l'origine et "a" le coefficient directeur (ou pente) de la droite. Ici on connaît l'ordonnée à l'origine, qui est le taux sans risque (rf pour "risk-free" sur le graphique). Ensuite comment déterminer la pente de la droite? On voit que lorsque l'on passe d'une volatilité 0 à une volatilité de marché (sigma M), alors le rendement espéré passe du taux dans risque (rf) à l'espérance du rendement de marché (E(rm)). Rappelez vous vos cours de lycée. La première fois que l'on parle de pente de la droite, on vous dit "de combien de carreaux on monte vers le haut - en ordonnée - lorsque l'on décale d'un carreau vers la droite - en abscisse". Ici lorsque l'on décale de sigma M carreaux en abscisse, on monte de E(rm) - rf en ordonnée. Si on décale juste d'une unité en abscisse, on monte donc de (E (rm) - rf) divisé par sigma M. E voilà , vous avez donc trouver votre pente, et donc l'équation de la droite.
Conclusion: Alors, c'est si compliqué que cela la finance ? Si cela vous intéresse (= selon le nombre de lus / like / tweet et commentaires ), le Captain' continuera cette série d'articles consacrée à la théorie financière (un peu de théorie de temps en temps, ça ne fait pas de mal). Pour ceux voulant creuser dès maintenant, je vous conseille fortement l'ouvrage de Robert Goffin "Principes de finance moderne", très bien fait et accessible même pour des non-spécialistes en finance / mathématiques. Vous pouvez même l'acheter sur Amazon en cliquant sur le lien ci-dessous (avec au passage une petite comm' de 5% pour le Captain' pour "services rendus à la nation").