Nous sommes le 22 décembre 2012. Ouf, la fin du monde prévue par les mayas n'a finalement pas eu lieu, mais ce jour là le gouvernement grec annonce que la Grèce va sortir de la zone euro. Mais concrètement, comment une sortie de la zone euro est faisable et quelles sont les implications d'une décision de ce type?
Concernant la faisabilité, il convient de distinguer deux aspects principaux; (1) l'aspect légal d'une sortie de la zone euro et (2) les outils techniques à mettre en place pour éviter l'anarchie totale. Pour l'aspect légal, le Captain' qui ne comprend pas tout au traité européen base son analyse sur un papier d'Eric Dor "Leaving the eurozone: a user's guide".
La Grèce fait partie de la zone euro (17 pays) ET de l'Union Européenne (27 pays). Selon l'article 50 du traité européen, tout pays qui souhaite quitter la zone euro doit automatiquement quitter l'Union Européenne. Le pays peut ensuite essayer de rentrer à nouveau dans l'Union Européenne est suivant la procédure classique d'entrée dans l'Union. Le scénario de sortie de l'euro paraissait totalement impossible à la création de l'euro et donc n'est pas réellement traité. On peut imaginer divers tours de passe-passe, utilisant des lois internationales ou d'autres conventions, mais pour le coup cela devient totalement incompréhensible. On va donc s'arrêter là pour l'aspect légal.
Plus intéressant, les aspects techniques d'une sortie de l'Euro. Du jour au lendemain, la Grèce abandonne donc l'euro pour repasser au drachme (ou à une nouvelle monnaie). Cool sur le papier, mais il n'en demeure pas moins que les billets et pièces en circulation sont libellés en euro, que les comptes bancaires sont en euro, que la dette est en euros et que de nombreux contrat prévoient un paiement en euro. Simple vous allez me dire, il suffit de fixer 1 euro = 1 drachme et cela ne change rien, on paye gentiment en drachme nouvellement imprimé par la banque centrale et tout le monde est content.
Enfin vous êtes bien sympa les grecs, mais vos drachmes personne n'en veut. Etant donné les difficultés du pays (récession, déficit budgétaire, balance courante négative...), le drachme va se dévaluer rapidement et le taux de change 1 euro = 1 drachme ne sera pas valide. Il est possible d'indexer le cours d'une monnaie sur un autre, par exemple le dollar hong-kongais est indexé sur le dollar américain. Mais la fixité des taux de change est soumise au triangle d'incompatibilité de Mundell ; pour ne pas vous overdoser de théorie, Mundell explique qu'il est impossible d'avoir un taux de change fixe ET une politique monétaire indépendante ET une parfaite mobilité des capitaux. Donc en cas de sortie de l'euro, la nouvelle monnaie grecque se dévaluera avec une probabilité proche de 100%.
Si la monnaie se dévalue, la dette grecque augmentera automatiquement. Pourquoi? Car la dette est en euro et les créanciers vont exiger des euros en remboursement. Il faudra donc plus de drachme (car dévaluation) pour rembourser la dette. Cela viendra alourdir plus encore la charge de la dette de la Grèce, sauf bien sur si la Grèce annonce "vous voulez pas de nos drachmes, et bien on vous rembourse pas et on fait défaut sur l'intégralité de la dette". Scénario possible mais aux conséquences désastreuses (isolement total de la Grèce qui ne pourra plus emprunter sur les marchés internationaux, voire sanctions plus sévères).
Et on fait quoi de nos billets en euros en circulation et des euros sur les comptes bancaires. Etant donné que la monnaie va se dévaluer, les ménages et entreprises grecs préféreront avoir des euros plutôt que des drachmes. En cas d'annonce de changement de monnaie, on risque donc de voir les grecs se ruer à leurs banques pour retirer des euros et les mettre bien au chaud à la maison. Un phénomène de "ruée bancaire" (bank-run) peut alors avoir lieu et entraîner la faillite des banques (voir l'article "La ruée bancaire en Grèce! Le début de la fin?").
Pour éviter cela, Eric Dor propose de geler les comptes bancaires pendant une certaine période en forçant la conversion en drachme au taux officiel. Même chose concernant les billets en circulation ; hop un coup de tampon sur les billets et on change les euros en drachme en instaurant une conversion ensuite contre de vrais billets imprimés par la banque centrale. Les entrées et sorties de capitaux devrait donc alors être contrôlées, pour éviter que le drachme s'écroule totalement.
Les avantages pour la Grèce d'une sortie de l'Euro serait le fait de relancer leurs exportations (industries et tourisme) grâce à la dévaluation de la nouvelle monnaie et de pouvoir mener une politique monétaire indépendante. Scénario impossible? Les grecs ont bien gagné l'Euro 2004 de football ; on n'est jamais à l'abri...