Nico l'a annoncé à demi-mot lors des voeux du président pour l'année 2012, "le financement de la protection sociale ne peut plus reposer principalement sur le travail, si facilement délocalisable. Il faut alléger la pression sur le travail et faire contribuer financièrement les importations qui font concurrence à nos produits avec de la main-d'oeuvre à bon marché". C'est typiquement ce que l'on appelle une "TVA sociale". Mais comment ça marche et quels sont les effets positifs et négatifs de cela?
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Si jamais vous avez envie d'écouter les voeux du président, la vidéo est juste là (ce n'est pas forcément passionnant et légèrement anxiogène, mais si vous avez 10 minutes devant vous ça vaut tout de même le coup).Â
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Voeux de N. Sarkozy aux Français pour l'année 2012 par elysee
Le principe de la TVA sociale est assez simple. On augmente le taux de TVA pour financer la protection sociale ; cette recette permettant de baisser les charges sociales payées par les entreprises  (=les cotisations patronales). En quoi cela permet de lutter contre "les importations qui font concurrence à nos produits"?
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Supposons qu'en France, la TVA passe de 19,6% actuellement à 24,6%, soit une hausse de 5 points, et que les recettes perçues grâce à la hausse de la TVA soient utilisées pour baisser les cotisations patronales. Avant la hausse de la TVA, un bien produit en France qui coûtait 100 euros HT était donc vendu au consommateur pour 119,6 euros. En contrepartie de la mise en place de la TVA, le gouvernement annonce une baisse des cotisations patronales, qui vont diminuer le coût HT du bien de 4 euros (hypothèse). Le prix HT de ce bien n'est donc plus que de 96 euros, sur lequel on applique le nouveau taux de TVA pour un prix total de 96*1,246 = 119,6 euros.
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Quels sont pour le moment les gagnants et les perdants de la mise en place de la TVA sociale ? Il n'y a pour le moment pas d'inflation (le prix TTC pour le consommateur est le même) car la baisse des cotisations patronales est directement répercutée dans le prix de vente, sans augmentation de la marge des entreprises. Pas de changement non plus au niveau des recettes de l'Etat qui restent les mêmes. En économie fermée, c'est donc un simple transfert de taxe sans effet (une hausse de taxe compensant la baisse d'une autre). Mais pour les entreprises étrangères ce n'est pas la même chose...
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C'est l'intérêt de la TVA sociale; si une entreprise chinoise vendait autrefois ce même bien pour 100 euros HT (119,6 euros TTC), le prix après la mise en place de la TVA sociale sera de 124,6 euros. En effet les cotisations patronales sont uniquement payées par les entreprises présentes sur le sol français ; l'entreprise chinoise ne bénéficiera donc pas de l'allégement des charges patronales. Les recettes perçues via cette hausse de la TVA sur les importations peuvent permettre d'alléger encore plus les charges patronales, afin de diminuer davantage encore les coûts de production des entreprises françaises. Par exemple supposons que cela permette de diminuer de 6 euros les coûts de production ; dans notre exemple le prix TTC avec la TVA sociale serait donc désormais de 94*1,246 = 117,1 euros pour le bien fabriqué en France.
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La boucle idéale du monde des Bisounours est donc bouclée ; (1) l'allégement des charges patronales permet de favoriser les entreprises françaises qui baissent leurs coûts de production et donc le prix de vente de leurs produits (2) la hausse de la TVA touche les importations ce qui augmentent les taxes et le prix de vente des produits étrangers, (3) les entreprises françaises améliorent donc leur compétitivité ce qui diminue les délocalisations, (4) cette réforme n'a aucun coût pour l'Etat, la baisse des cotisations patronales étant financée intégralement par la hausse de la TVA et (5) cela n'a pas d'effet sur le consommateurs, les produits étrangers deviennent plus cher mais les produits domestiques voient leurs prix baissés (= pas ou peu d'inflation selon le ratio produits domestiques/produits étrangers consommés).Â
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Mais voilà , les effets réels de la mise en place d'une TVA sociale sont beaucoup moins prévisibles que cela. Car rien n'oblige les entreprises à  répercuter la baisse des cotisations patronales dans les prix. Si les entreprises françaises choisissent d'augmenter leurs marges plutôt que de baisser leurs prix, alors la hausse de la TVA sera répercutée sur les consommateurs via la hausse de l'inflation et la perte du pouvoir d'achat. Cela risquerait donc de faire baisser la consommation et de peser sur la croissance frenchy (la conso des ménages représente 60% du PIB de la France).
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On a vu l'effet de la baisse de la TVA dans la restauration qui avait pour but de créer des emplois dans le secteur de la restauration tout en faisant baisser le prix pour le consommateur. Sur le papier ça ne paraissait pas trop mal, mais en réalité on a surtout assisté à une hausse des marges des restaurateurs, financée directement par l'Etat.
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Un autre argument des détracteurs de la TVA sociale : l'iniquité de cette taxe. La TVA est une taxe payée par tout le monde au même taux, quel que soit le revenu (contrairement à  l'impôt sur le revenu dont le taux augmente avec le revenu). En pourcentage du revenu disponible, la TVA touche davantage les ménages les plus pauvres qui dépensent une plus grande partie de leur revenu que les riches. Si vous gagnez 1000 euros par mois, vous allez consommer pour 950 euros et épargner 50 euros, une TVA à 19,6% implique une taxe sur votre revenu de 950*0,196 = 186 euros, soit 18,6% de votre revenu disponible. Si vous gagnez 5000 euros par mois, vous allez consommer pour 4000 euros et épargner 1000, la TVA représentant ici 15,7% de votre revenu disponible.Â
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Conclusion: Dans le monde des Bisounours, la TVA sociale est donc un merveilleux moyen déguisé de taxer les importations et d'améliorer la compétitivité des entreprises françaises (tout en restant légal dans le cadre des accords de l'Organisation Mondiale du Commerce). Attention cependant, comme l'a souligné Christine Lagarde "en l'état de la croissance et sans un accompagnement ferme en matière de maintien des prix, la mise en place de la TVA sociale ne serait pas propice, en ce qu'elle serait facteur d'inflation et probablement peu créatrice d'emplois ". C'était en 2007, mais les choses n'ont (malheureusement) pas tellement changé depuis...