L'Indice Big Mac est publié chaque année depuis maintenant plus de 25 ans par le très sérieux journal "The Economist". Le but de cet indice est de tester de façon ludique si le taux de change d'un pays face au dollar est sous-évalué ou sur-évalué, en se basant sur le principe de la parité du pouvoir d'achat.
Le Captain' vous a présenté hier ce qu'est la théorie de la Parité du Pouvoir d'Achat (PPA). Pour résumer en une phrase, le taux de change PPA est celui qui égalise le prix d'un même panier de bien dans deux pays; c'est donc une sorte de taux de change virtuel qui égalise les pouvoirs d'achats. Mais plutôt que de prendre un panier complexe, composé de centaines de biens et services différents, pourquoi ne pas prendre comme référence unique le prix du Big Mac? Si un Big Mac coûte par exemple 3,50 euros en France et 4$ aux Etats-Unis, alors le taux de change qui égalise le pouvoir d'achat est 3.50 euros = 4 dollars, c'est à dire 1 euro = 1,14 dollar. En ce moment, le taux de change nominal (=en vigueur) euro-dollar est de 1 euro = 1,30 dollars ; selon la théorie de la PPA appliquée avec comme unique référence le prix du Big Mac, l'euro est alors sur-évalué d'environ 13% par rapport à son cours fondamental de long terme.
Assez de blabla, les résultats maintenant:
En prenant en compte uniquement le prix du Big Mac (cela correspond donc au point bleu sur le graphique de droite), on voit que par rapport au taux de change en vigueur, l'euro est sur-évalué d'environ 20%, le franc suisse de près de 100%, tandis que le yuan chinois est sous-évalué de plus de 40%. En effet, au taux de change actuel (enfin tout du moins à celui pris en compte lors du calcul de l'indice), un Big Mac coûte 2,27 dollars en Chine, 4,07$ aux USA, 4,93$ en zone euro et 8,06$ en Suisse.
Afin de corriger le biais dû au fait que les salaires sont toujours moins élevés dans les pays pauvres que dans les pays riches (le salaire étant lié à la productivité), l'indice Big Mac est ajusté par le PIB par personne du pays (point rouge sur le graphique de droite). Pour les pays ayant un PIB par tête supérieur à celui des Etats-Unis, cela amènera donc à diminuer la valeur du taux de change calculé selon le principe de la PPA, pour les autres pays cela l'augmentera. Avec cet ajustement, on arrive à la conclusion que le yuan est à son niveau correct et que le réal brésilien est sur-évalué de 150%. Cela semble guère convaincant pour le Captain'.
Bref, l'indice Big Mac est un moyen amusant d'expliquer le principe de la parité du pouvoir d'achat. Mais si l'on souhaite réellement connaître les différences de pouvoir d'achat entre les pays, il y a tout de même mieux que le prix du Big Mac... Il y a pour cela l'indice Niveaux de prix comparés mensuels de l'OCDE. Plutôt qu'un long discours, voici la description de l'OCDE "Le panier représentatif coûte 100 unités dans le pays pour lequel la monnaie est précisée. Prenons un exemple. Si vous êtes un citoyen canadien et vous voulez comparer le niveau de prix aux autres pays, il faut regarder la colonne Canada, où le niveau de prix est 100 pour toute la colonne. Si vous avez par exemple, 120 pour la Finlande, alors cela signifie que le niveau de prix en Finlande est 20% plus haut qu'au Canada. Cela signifie que vous dépenseriez 120 dollars si vous achetiez le même panier en Finlande lorsque vous en dépensez 100 au Canada."
Remplaçons "canadiens" par "français" dans la définition de l'OCDE, et regardons donc quel est le prix d'un panier de référence coûtant 100 euros en France dans différents pays de l'OCDE (en convertissant selon le taux de change en vigueur).
Les pays où le coût de la vie est le plus élevé sont la Suisse, la Norvège et l'Australie. Concernant la Suisse, un panier de référence coûtant 100 euros en France vaut l'équivalent de 150 euros en Suisse (en convertissant au taux de change actuel euro-franc suisse). C'est à dire que si l'on vous propose d'aller travailler en Suisse, avec une augmentation de votre salaire en euro de 20%, vous allez perdre en pouvoir d'achat. A l'inverse, en Pologne, le panier de référence ne coûte que l'équivalent de 50 euros (au taux de change en vigueur euro-zloty), c'est à dire que le coût de la vie est environ deux fois inférieur au coût de la vie en France.
Conclusion: Le Big Mac Index permet d'expliquer rapidement le principe de la PPA, mais son application est impossible. Par contre, l'indice de l'OCDE permet de voir plus précisément les différences de pouvoir d'achat entre les différents pays, selon le taux de change en vigueur. Si vous regardez l'article d'hier, le PIB en dollar de la France pour 2011 est de 2900 milliards de dollars en convertissant au taux de change nominal, et de 2200 milliards de dollars en PPA (voir graphique sur l'article "La Parité du Pouvoir d'Achat"). Comment expliquer cette différence? Et bien si l'on regarde le graphique ci-dessus de l'OCDE, on voit qu'un panier valant 100 euros en France ne vaut, au taux de change en vigueur, que 80 euros aux US. Le PIB nominal de 2900 milliards serait donc sur-évalué de 20% par rapport au PIB PPA, soit 2900*0,8 = 2320 milliards (on se rapproche considérablement du PIB PPA de 2200 milliards).
Pourquoi est ce que l'on arrive pas exactement au même résultat? Simplement car cela dépend (1) de la date à laquelle le taux de change pour convertir le PIB euro en PIB dollar nominal a été choisi et (2) du prix du panier de référence aux US à cette même date. D'ailleurs une sur-évaluation de 20%, c'est exactement ce que l'on trouve avec l'indice Big Mac non-corrigé par les différences de PIB par tête. Encore une victoire de Ronald Mac Donald!