"Le changement, c'est maintenant!". 29 milliards d'économies et 20 milliards de nouvelles dépenses financées par de nouvelles recettes ou des baisses de dépenses, voici donc le chiffrage du programme présenté par François Hollande la semaine dernière. Le Captain' va focaliser son analyse sur trois aspects de ce programme (1) comment redresser les finances publiques, (2) comment soutenir l'emploi et la croissance et (3) comment répartir la richesse plus également.
Part #1: La métaphore du gâteau. François Hollande souhaite devenir le chef du gâteau de la France en mai 2012. S'il devient grand chef du gâteau, il devra faire face à un triple dilemme. Le premier sera de définir comment faire grossir le gâteau (=comment renouer avec la croissance). Une fois les ingrédients pour faire grossir le gâteau trouvés, il faudra voir comment partager le gâteau entre les français (= la répartition de la richesse). Mais contrairement au passé, il n'est plus possible de faire grossir le gâteau avec de la levure (= en augmentant les dépenses publiques) sous peine de se voir attribuer la note de 0/10 par le jury d'"Un dîner presque parfait" (= les agences de notation) et de voir les taux d'intérêts augmenter (= la taille de la part de gâteau perdu chaque année).
Avant de définir le budget, il faut poser des hypothèses sur le niveau de croissance pour les années à venir. La croissance économique est à la base de tout programme, car cela permet de faire une estimation des recettes et dépenses futures de l'Etat. Plus il y a de croissance, plus les gens sont riches, plus ils consomment (= hausse recette TVA), plus ils payent d'impôt (=hausse recette), moins il y a de chômage (= baisse dépenses)... Le PS a publié les hypothèses de croissance sur lesquelles le programme est basé :+0,5% en 2012, +1,7% en 2013 puis entre +2 et +2,5% entre 2014 et 2017.
Crédible ou pas ? Si l'on compare les prévisions du PS à celles publiées récemment par le FMI ou l'OCDE, les prévisions du PS sont assez largement au-dessus. Le FMI prévoit dans sa note publiée il y a quelques jours une croissance de 0,2% pour 2012 et 1% pour 2013 ; l'OCDE une croissance de 0,3% pour 2012 et 1,4% pour 2013. Pour comparaison, François Bayrou a basé son programme sur une croissance de 0,2% pour 2012, 1% pour 2013 et 1,5% à partir de 2014. Le PS base donc son programme sur des hypothèses relativement hautes. "Oh ça ne fait pas non plus une grosse différence!". Au contraire, selon des estimations, 1 point de croissance en moins, cela représente, toutes choses égales par ailleurs, une hausse du déficit de 12 mds d'euros par an.
Ces divergences de prévisions de croissance expliquent entre autre les différences entre le programme de réduction des dépenses (ou hausse des recettes) du PS et du MoDem ; 29 milliards pour le PS (via annulation de niches fiscales) et 100 mds pour le MoDem (voir l'article du Captain' sur le programme de Bayrou). L'objectif est pourtant quasi le même: ramener la France à l'équilibre budgétaire en 2016 ou 2017.
Selon François Bayrou "On ne reviendra pas à l'équilibre avec ce programme-là . Ce n'est pas vrai, ce n'est pas imaginable." Le Captain' est assez d'accord avec cela. Mais est-ce une question de vie ou de mort de revenir à l'équilibre en 2017 sinon tout va exploser? Honnêtement non! Il faut rectifier la trajectoire en réduisant le déficit public, afin d'écarter le risque de défaut et pouvoir ainsi emprunter sur les marchés à taux bas. Après si on me dit que le déficit sera de 1% en 2017, le Captain' signe tout de suite sans hésitation.
Ensuite sur les réformes nouvelles, François Hollande a bien compris que chaque nouvelle mesure devait être compensée par une des hausses des recettes ou une baisse des dépenses. Et là bravo, tout est bien chiffré. Le financement des 20mds de dépenses nouvelles est précis et clair (voir ci-dessous) . Et contrairement au chiffrage de Marine Le Pen, où le coût de certaines mesures était sous-estimé, le chiffrage du PS est confirmé par l'Institut de l'Entreprise, un think tank indépendant (voir ici le chiffrage du PS). Par exemple, alors que le PS chiffre la mesure sur la retraite à 60 ans (sous conditions) à 5 mds, l'Institut de l'Entreprise estime cette mesure à 4,5 mds.
Parmi les réformes nouvelles, citons par exemple la retraite à 60 ans pour les personnes ayant cotisés la totalité de leurs annuités, la création de 60.000 postes dans l'Education nationale et la création d'un livret d'épargne industrie dont le produit sera dédié au financement des PME et entreprises innovantes. Ces mesures nouvelles seront financées entre autre par la suppression des exonérations de charges sociales sur les heures supp', la hausse des cotisations vieillesses et la réforme de la fiscalité des entreprises (création de trois taux d'imposition différents sur les sociétés ; 35% sur les grandes, 30% sur les petites et moyennes et 15% sur les très petites).
Conclusion: Si l'on se base sur les hypothèses de croissance du PS, le programme électoral semble bien construit. Bien sur on peut être plutôt pour ou contre les idées, mais au moins c'est assez précis et bien chiffré. Le problème réside pour le Captain' justement au niveau des hypothèses de croissance posées par le PS, qui semble à l'heure actuelle difficilement réalisable. En 2012 et 2013, les prévisions du PS sont bien au dessus du consensus actuel. En ce qui concerne la croissance potentielle de long terme, le PS table sur une croissance de long terme autour de 2,5%, alors que le FMI l'estime autour de 2%. Mais le Captain' espère se tromper ; la farine que François Hollande a reçu au visage hier permettra peut-être de faire grossir le gâteau de la croissance des 0,5 point manquant par an (blague nulle, #LapidezMoi).