Si vous allez sur Google Finance, Yahoo Finance, Reuters ou autres fournisseurs de données financières, vous pourrez voir, au milieu d'un grand nombre de données comme le cours de l'action ou la capitalisation boursière, une variable appelée "beta". En finance, le beta d'une entreprise correspond à la sensibilité du prix de l'action par rapport à un indice de référence. Whaaaaat ??? Ok faisons plus simple en prenant un exemple avec le titre de "Bank of America". Monsieur Google Finance nous informe que pour cette entreprise, le beta est égal à 1,86, ce qui signifie tout simplement, qu'étant donnée les variations historiques de l'action par rapport à l'indice américain S&P500, l'action Bank of America augmente en moyenne de 1,86% lorsque l'indice S&P augmente de 1%,. A l'inverse, lorsque le S&P baisse de 1%, l'action Bank of America tend en moyenne à baisse de 1,86%. Plus simple comme cela, non ?
Une entreprise ayant un beta supérieur à 1 aura donc tendance à amplifier les mouvements de marché (c'est par exemple le cas pour les entreprises du secteur bancaire) et une entreprise ayant un beta inférieur à 1 aura tendance à atténuer les mouvements de marché (ce qu'on pourrait appeler des entreprises de "bon père de famille"). Le beta est donc une mesure du risque : plus le beta d'une entreprise est élevé, plus l'espérance de rentabilité doit l'être afin de compenser l'excès de risque provoqué par cette volatilité. Mais à quoi cela sert de calculer un "beta" ? Trois options : (1) car vous êtes un gentil petit étudiant et que vous faites ce qu'on vous demande afin d'avoir une bonne note (2) car vous voulez en comprendre pourquoi le beta que vous pouvez voir sur Google Finance n'est pas le même que le beta sur Yahoo Finance qui n'est pas non plus le même que le beta sur Reuters et (3) car dans une optique de gestion de portefeuille, vous voulez mesurer le risque associé à une entreprise et estimer une espérance de rendement.
Le gentil petit étudiant
Cours de finance, calcul de beta, angoisse... Allez du calme, c'est en réalité assez simple de calculer un coefficient beta. Pour cela, vous avez simplement besoin d'une série historique des prix de l'action de l'entreprise dont vous voulez calculer le beta (Apple dans cet exemple), et de la série historique des prix d'un indice (le S&P500 ici). Pour cela, rendez-vous sur Yahoo! Finance -> Prix historique, et téléchargez la série "Clôture ajustée" de l'entreprise Apple (par ici) et de l'indice S&P500 (par là ). Vous avez donc votre tableau Excel avec trois colonnes : la première étant la date, la seconde le niveau de l'indice S&P et la troisième le cours de l'action Apple.
Il existe alors deux manières de déterminer le beta. La première consiste à utiliser la formule du beta, qui se calcule comme la covariance entre le rendement de l'action et le rendement de l'indice, divisé par la variance de l'indice (sur une période de 3 ans par exemple).
Il faut donc tout d'abord rajouter deux colonnes, une avec le rendement (journalier dans notre cas) de l'indice (colonne D dans Excel) et une avec le rendement de l'action Apple (colonne E dans Excel). Pour faire plus simple dans un premier temps, considérez uniquement les valeurs des trois dernières années (754 jours de trading), et en une formule sous Excel, calculez votre beta !
BETA = COVAR(D2:D755;E2:E755) / VAR(D2:D755)
La seconde méthode consiste à réaliser une régression linéaire, avec comme variable dépendante le rendement de l'action Apple sur les trois dernières années, et comme variable explicative le rendement de l'indice sur la même période. En regardant les résultats de votre régression, le coefficient de la variable explicative est votre beta (qui doit bien évidemment donné la même chose qu'avec le calcul "covariance divisé par variance", à quelques millièmes près). Sous Excel, vous pouvez utiliser la fonction "SLOPE" (c'est en fait une régression linéaire à deux variables), avec en premier la série des rendements journaliers d'Apple (ici sur 754 périodes) et en second la série de rendement journaliers de l'indice, avec donc la formule suivante :
BETA = SLOPE(E2:E755;D2:D755)
Et voilà , vous avez calculé une valeur de beta pour l'action Apple (0,80 dans notre exemple, en prenant des données journalières et une période d'estimation de 3 ans, allant du 10 avril 2011 au 10 avril 2014)!
Avec une régression plus classique sur l'échantillon allant du 10 avril 2011 au 10 avril 2014, on retrouve bien notre beta comme le coefficient devant le rendement de l'indice de référence, comme on peut le voir ci-dessous :
Mais pourquoi existe t-il plusieurs "beta" pour une même action ?
Si vous allez sur Google Finance, et que vous regardez la valeur du beta de l'action Apple, celui-ci est annoncé à 1,01 (Apple bouge donc "comme le marché). Si vous allez par contre sur Yahoo! Finance, on vous annonce un beta de 0,73 , sur Reuters un beta de 0,94, et avec notre calcul, nous avons trouvé juste avant un beta de 0,8. Mais qui a raison en fait ? Et bien personne ... ou plutôt tout le monde ! Il n'existe en effet pas une bonne et une mauvaise valeur pour le calcul de beta. Explications.
La valeur de beta est calculée en fonction des rendements historiques d'une action par rapport à un indice. Le coefficient beta va donc dépendre de trois variables : (1) le nombre de périodes sur lequel on estime notre relation de covariance/variance (1 an, 3 ans, 5 ans), (2) la fréquence des données (journalières, hebdomadaires, mensuelles, annuelles) et (3) l'indice de référence (S&P, NASDAQ, Dow Jones, CAC40...).
Il est important de comprendre que la valeur de beta n'est pas stable dans le temps ! En ce qui concerne l'entreprise Apple, dont le beta se situe actuellement selon les sources entre 0,73 et 1, il faut savoir qu'il y a seulement quelques années, le beta d'Apple était bien supérieur à ce niveau, entre 1,5 et 2,5. En effet, et c'est souvent le cas, il est possible qu'une action amplifie les mouvements d'un indice lorsque l'entreprise est encore "jeune" ou en cas de bouleversement dans le secteur (beta bien supérieur à 1) puis que l'action devienne plus "stable" une fois le secteur mature (donc beta inférieur à 1 et action de bon père de famille).
Deuxièmement, selon la fréquence de rendement utilisée, le beta calculé ne sera pas le même. Supposons un cas extrême, ou depuis deux mois, l'action Apple affiche exactement les mêmes performances mensuelles que l'indice de référence. Dans cette situation, son beta sur deux mois sera donc égal 1. Mais si au lieu de regarder les variations mensuelles, on s'intéresse aux variations journalières, il est possible que durant le mois, l'action ait été très volatile (de forts mouvements journaliers à la hausse ou à la baisse, bien supérieur à l'indice, mais au total stable par rapport à l'indice sur le mois) ce qui nous donnerait un beta avec des données journalières bien supérieur à 1.
Pour prouver cela, le Captain' a extrait les données concernant Apple et le S&P, et calculé le "beta-roulant" de l'action Apple depuis le début des années 2000, en considérant (1) le rendement journalier (2) le rendement hebdomadaire et (3) le rendement mensuel, avec à chaque fois une fenêtre de 3 ans. Mais c'est quoi au juste un "beta-roulant" ? Et bien par exemple au 1er janvier 2007, le "beta-roulant" calculé en données journalières avec un historique de 3 ans est égal à la covariance entre le rendement d'Apple et du marché sur la période 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, divisé par la variance de l'indice sur la même période. Ensuite le 2 janvier 2007 on fait la même chose, mais on "roule" la fenêtre en regardant la covariance et la variance sur la période du 2 janvier 2004 au 1er janvier 2007. Et ainsi de suite (le 3 janvier, on regarde donc la covariance/variance sur la période du 3 janvier 2004 au 2 janvier 2007). Le beta ne va pas énormément changer d'un jour à l'autre, mais si on le regarde sur plusieurs mois, les différences peuvent être significatives.
Cela peut se faire aussi dans Excel, mais comme le Captain' est un geek, il utilise un logiciel bien plus puissant pour faire ce genre de calcul (Python + Pandas). Et on obtient alors cela :
SI l'on regarde la courbe bleue, on retrouve alors exactement notre valeur de 0,8 pour le beta au jour d'aujourd'hui. Les différents beta en données journalières (bleu), hebdomadaires (vert) et mensuelles (rouge) sont actuellement très proches, mais ce n'était par contre absolument pas le cas en 2002 ou en 2007. A cette époque donc, le choix de la fréquence des données pouvait avoir un fort impact sur le niveau de risque estimé (un bon "vendeur-arnaqueur" de produits financiers peut d'ailleurs utiliser cela pour vous montrer un beta faible en jouant sur la fréquence des données).
Maintenant, au lieu de faire varier la fréquence, faisons varier la fenêtre d'étude, en s'intéressant à la valeur du beta en données journalières (1) sur une fenêtre d'un an (250 jours de trading), (2) sur une fenêtre de trois ans et (3) sur une fenêtre de 5 ans. Et cela nous donne cela, avec donc de fortes divergences selon la méthode utilisée. On remarque d'ailleurs que plus la fenêtre est grande, plus le beta est stable dans le temps.
Conclusion : Bref, je ne crois pas qu'il y ait de bons ou de mauvais beta, il y a avant tout des rencontres, des betas qui vous ont tendu la main... Hmmm non, on va la refaire ! Le beta est une mesure du risque, basée sur les rendements historiques d'une action comparée aux rendements historiques d'un indice. Il y a donc une triple hypothèse : la fréquence des données, la période d'étude et l'indice de marché. Il faut, en fonction de votre horizon de placement, choisir les trois paramètres les plus appropriés. Si vous êtes un investisseur court-terme, mieux vaut donc prendre des données journalières et une fenêtre assez courte ; si vous comptez placer sur le long-terme, il est plus cohérent de prendre des données hebdomadaires/mensuelles avec une fenêtre longue... Tout en sachant que le beta est une mesure très imparfaite du risque ! La "peut-être suite" au prochain épisode (beta-ajusté, facteurs de risques de Fama-French....).