Le changement, c'est maintenant! Les réformes proposées par le gouvernement Ayrault dans le projet de loi de finance rectificative du 4 juillet, aussi appelé "collectif budgétaire", sont en train d'être mises en place. Au programme: une contribution exceptionnelle sur la fortune, la suppression des exonérations de cotisations sociales attachées aux heures supplémentaires, l'abaissement du seuil de l'abattement applicable aux donations, l'augmentation du forfait social... Le Captain' vous propose un petit tour des principales réformes.
Pour assurer la réduction du déficit public malgré la baisse de la croissance (= baisse des recettes pour les administrations publiques), le nouveau gouvernement va mettre en place de nombreuses dispositions pour tenter redresser les finances du pays. Objectif: limiter le déficit public à 4,5% pour cette année, en augmentant les recettes à hauteur de 7,2 mds en 2012 (source: Assemblée Nationale, Budget : loi de finances rectificative 2012). Voici donc les principales réformes commentées par le Captain':
Article 1er: Abrogation de l'augmentation du taux de TVA de 1,6 point prévue au 1er octobre 2012
Nicolas Sarkozy voulait mettre en place la TVA sociale, c'est à dire baisser le coût du travail via une baisse des charges patronales, en finançant cela par une hausse de la TVA. François Hollande devrait proposer une sorte de "CSG sociale", c'est à dire une baisse du coût du travail financée par une hausse de la CSG. Le principe général est le même, mais la CSG est jugée par le gouvernement comme plus juste (pour + d'infos, lire l'article du Captain' "Hausse de la CSG: après la TVA sociale, la CSG sociale !").
Article 2 : Suppression des exonérations de cotisations sociales attachées aux heures supplémentaires et complémentaires de travail. Entrée en vigueur de la mesure au 1er septembre 2012.
C'est donc bientôt la fin du "travailler plus pour gagner plus". Une suppression à partir du 1er septembre 2012 devrait rapporter 1 milliard d'euros de recettes supplémentaires en 2012 et 2 milliards en 2013. Selon le nouveau gouvernement, cette mesure était destructrice d'emploi, car incitait les entreprises à faire travailler plus les salariés en place, plutôt que d'embaucher de nouveaux salariés. Eternel débat du partage du "gâteau travail".
L'OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Ãconomiques) a réalisé une étude sur ce sujet, en prenant en compte l'effet positif de l'exonération des heures supp', à savoir la hausse du pouvoir d'achat pour les travailleurs bénéficiant de cette mesure, et l'effet négatif dû aux incitations pour les entreprises d'allonger la durée du travail plutôt que d'embaucher. Selon cette étude, la défiscalisation des heures supplémentaires aurait détruit plus de 30 000 emplois en 2011 (source: La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires va-t-elle créer des emplois ?, OFCE, 2012). Attention cependant: il s'agit d'une étude parmi d'autres, et selon les hypothèses et la modélisation, il est possible d'obtenir des résultats différents. C'est un peu la magie de l'économie, des statistiques et de l'économétrie: il est assez simple de faire dire ce que vous voulez aux chiffres...
Article 3 : Instauration d'une contribution exceptionnelle sur la fortune à la charge des personnes dont le patrimoine net imposable est supérieur à 1,3 million d'euros.
Derrière cette contribution barbare, se cache simplement une hausse de l'impôt sur la fortune (ISF). Pourquoi alors l'appeler ainsi? Car l'ISF a déjà été acquitté par les plus hauts patrimoines en juin dernier. Cette "contribution exceptionnelle", qui devra être acquittée le 15 novembre, permet de lancer une deuxième vague de taxation pour 2012. Cette contribution, à la charge des personnes dont le patrimoine net imposable est supérieur à 1,3 million d'euros, devrait rapporter à l'Etat la modique somme de 2,3 mds cette année !
Selon Les Ãchos, la surtaxe d'ISF alourdira l'impôt des "petits patrimoines" compris entre 1,3 et 1,6 million d'euros de 14% par rapport a ce qui était anticipé. Pour les très gros patrimoines (+ de 4 millions de patrimoine net imposable, soit les 30.000 ménages détenant le plus de patrimoine en France), l'impôt moyen devrait passer de 39.295 euros à 95.531 euros, soit une hausse de... 143%! La surtaxe d'ISF est basée sur l'ancien barème de l'ISF, mais uniquement pour les patrimoines supérieurs à 1,3 million d'euros. Comme pour l'impôt sur le revenu, il s'agit d'un taux marginal d'imposition. C'est à dire que si votre patrimoine net imposable est de 2 millions d'euros, alors vous paierez 0% sur les 800.000 premiers euros, 0,55% sur les 510.000 euros suivants (jusqu'à 1.310.000 euros) et 0,75% sur les 690.000 suivants (jusqu'à 2 millions d'euros - source: Assemblée Nationale, rapport Eckert, 2012)
Pour info, il existe un abattement de 30% sur la valeur de la résidence principale pour le calcule du patrimoine net imposable; c'est à dire si votre résidence principale a une valeur de 1,5 million d'euros, alors vous ne serez pas assujettis à l'ISF (sauf si vous avez davantage de patrimoine, type résidence secondaire...).
Le mise en place de cette contribution exceptionnelle pose deux questions: (1) va t-on assister à un exode fiscal des riches français vers la Suisse/Belgique et (2) est-il "bon" de taxer le patrimoine, qui est un "stock", plutôt que de taxer plus fortement les plus-values sur le patrimoine, qui représente un "flux".
A noter: la grande majorité des réformes concerne une hausse de taxe (= hausse des recettes de l'Etat), et quasi-aucune ne s'attaque au vrai problème du niveau des dépenses publiques! Espérons que dans l'urgence, le gouvernement passe des hausses de recettes pour éviter une trop fort hausse du déficit cette année, et que le Projet de Loi de Finance 2013 soit orienté davantage vers une réduction des dépenses. On peut toujours rêver...
Conclusion : Le tableau ci-dessous montre l'ensemble des mesures nouvelles et chiffre l'impact sur le budget de chaque mesure (source: Assemblée Nationale). Suite de la présentation des mesures du collectif budgétaire demain (par ici), avec la hausse du forfait social de 8 à 20%, la diminution du traitement du Président et du Premier ministre et le doublement de la taxe sur les transactions financières.