Le débat sur la Grèce était jusqu'à hier assez binaire: soit la Grèce refusait les cures d'austérité de la Troïka et donc quittait l'Euro, soit elle suivait le chemin du rééquilibrage budgétaire, sous la direction/dictature (au choix) de la Troïka (BCE, UE, FMI), et pouvait alors rester dans la zone euro. Tout le monde attendait alors les résultats des élections législatives du 17 juin, pour savoir si l'extrême gauche d'Alexis Tsipras allait prendre la tête du gouvernement (= arrêt des engagements de la Grèce envers la Troïka) ou bien si une coalition PASOK/Nouvelle Démocratie allait obtenir au moins 151 des 300 sièges de l'Assemblée grecque, continuant ainsi la cure d'austérité, condition du financement de la Grèce par la Troïka.
Mais la zone euro semble souhaiter à tout prix éviter une sortie de l'euro de la Grèce, les montants en jeu étant énormes et les conséquences sur les autres pays imprévisibles. Pour la France, on estime que les pertes, uniquement pour l'Etat, pourraient atteindre jusqu'à 66 milliards d'euros, soit environ 1000 euros par habitant.
Mais pendant ce temps là , les économistes de la Deutsche Bank (entre autres) travaillaient sur une nouvelle solution de sortie de crise, et ont publié une idée assez originale. Plutôt qu'une sortie de l'euro complète, impliquant en toute vraisemblance un défaut sur la quasi-totalité des dettes de la Grèce, Thomas Mayer (Senior Adviser à la Deutsche Bank) a proposé la création d'une monnaie hybride, le "Geuro". Comment ça marche? Cette nouvelle monnaie serait émise par la Banque Centrale de Grèce (et non pas par la BCE) et serait introduite avec une dévaluation d'environ 50% par rapport à l'euro. La Grèce serait donc toujours dans la zone euro, mais avec une monnaie dévaluée et indexée sur l'euro. Ce qui est vraiment nouveau est la manière dont serait déterminé le taux de change de cette monnaie. En effet, le taux de change du Geuro ne serait pas flottant, mais lié au niveau du déficit budgétaire primaire du gouvernement grec (le déficit budgétaire primaire étant le déficit hors charge d'intérêt de la dette).
Dans le meilleur des mondes, l'instauration de cette nouvelle monnaie, dévaluée par rapport à l'euro, pourrait alors permettre de relancer l'industrie et les exportations en Grèce. Les créances actuelles en euros dues par l'Etat grec serait conservées (donc pas de défaut). La Troïka pourrait alors couper ses aides, ce qui inciterait le gouvernement grec à rééquilibrer au plus vite ses dépenses publiques. Si les dépenses publiques se rééquilibrent, le solde budgétaire primaire pourrait être positif, et donc comme le Geuro est indexé sur l'euro en fonction de la position du solde budgétaire primaire, le Geuro s'apprécierait petit à petit. Et hop comme par magie, quelques années après (2 ans, 5 ans, 10 ans?), le Geuro s'étant apprécié grâce au rééquilibrage des finances, le taux de change sera de 1 Geuro = 1 euro et il sera alors possible de réintroduire l'euro, "le vrai", en Grèce.
Cette opération demande tout de même, selon les experts de la Deutsche Bank, une recapitalisation préalable des banques grecques et une épuration des actifs toxiques de leurs bilans (recapitalisation à la charge du FESF et création d'une "bad bank"). La BCE devrait aussi être en charge d'apporter de la liquidité en assurant les opérations de refinancement des banques grecques.
Dans le pire des mondes, les grecs profitent de cette opération pour épurer leurs banques tout en assurant la liquidité des banques via les opérations de refinancement de la BCE (+ une éventuelle garantie européenne des dépôts au moment du changement de monnaie), sans parvenir à rééquilibrer leurs finances publiques. La persistance d'un déficit entraine une dévaluation de plus en plus forte du Geuro, ce qui rend la dette dénominée en euro de plus en plus dure à rembourser. Résultat: les grecs quittent le Geuro dans quelques années, en ayant simplement alourdi la facture pour l'Eurosystème.
Conclusion: Une autre solution, celle espérée par Alexis Tsipras, consiste en une renégociation des engagements grecs, sans arrêt du financement de la part de la Troïka. Tsipras a d'ailleurs déclaré au Wall Street Journal vendredi "Our first choice is to convince our European partners that, in their own interest, financing must not be stopped". Le "in their own interest" montre bien la partie de poker qui est en train de se jouer, la Grèce jouant sur la peur d'un éclatement de la zone euro pour négocier des aides sans réelle contrepartie... Le Captain' trouve la solution proposée par la Deutsche Bank intéressante, mais il conviendrait de mieux définir le fonctionnement exact de ce "Geuro", afin de voir si cette solution ne ferait pas finalement que repousser le problème de la sortie définitive de la Grèce de la zone euro.