Après la Grèce, quel est le prochain pays menacé par un défaut au sein de la zone euro? Comment peut-on évaluer ce risque de défaut en regardant le niveau des Credit Default Swap (CDS) ? C'est parti pour un tour d'Europe guère réjouissant.
Un Credit Default Swap (CDS) est en quelque sorte un contrat d'assurance contre le risque de défaut d'un émetteur d'obligation. Pour faire simple, si vous avez peur que la France fasse défaut sur sa dette, vous pouvez acheter à un vendeur de CDS (à une banque par exemple) une assurance pour vous couvrir contre ce risque. En échange d'une prime annuelle, la banque s'engage à vous rembourser vos pertes en cas de défaut de l'Etat français.
Plus le risque de défaut est élevé, plus le vendeur du CDS va vous demander une prime annuelle importante. Logique! En regardant le niveau de la prime sur les CDS des pays de la zone euro, cela donne une très bonne indication du risque de défaut d'un pays (plus précisément du risque "d'événement de crédit"). Pour plus de détail, lire l'article "Les Credit Default Swap (CDS), c'est quoi?".
Alors, parmi les 17 pays de la zone euro, lequel a le risque de défaut le plus élevé (=la prime de CDS la plus forte)? Et bien non, ce n'est pas la Grèce, tout simplement car après le défaut partiel de la Grèce, ayant déclenché les CDS le 9 mars, les CDS grecs ne s'échangent plus sur le marché. Pourquoi? Car un acheteur de CDS dispose d'une "60-day look-back clause", permettant d'être remboursé pendant 60 jours après le défaut. Donc s'il était encore possible d'acheter des CDS, tout le monde souhaiterait le faire, en étant sur à 100% d'empocher la mise.
En théorie, les CDS grecs devraient donc être de retour le 9 mai. Mais comme souligné par l'institut de recherche Markit "Greece is on the backburner for now but only the most optimistic would think that its troubles wonâ€t flare up again. The eurozone crisis was dormant for some time but it is certainly not dead." Pour traduire : ça va encore être le bordel un petit bout de temps ;)
En considérant le niveau des CDS, le pays de la zone euro ayant actuellement le risque de défaut le plus élevé est .... Chypre ! Ce tout petit pays de la zone euro (1 million d'habitants, 0,2% du PIB de la zone euro - source INSEE) est en effet fortement exposé aux troubles actuels en Grèce, ce qui fait peser un risque de faillite sur les banques chypriotes (voir rapport FMI novembre 2011).
Allez on arrête le suspense, voici le classement des pays de la zone euro selon le niveau des CDS, réalisé par Markit (niveau fin mars). Le Luxembourg et Malte ne sont pas dans le classement, car les CDS de ces deux pays ne sont que très peu traités.
Le Captain' vous avait déjà évoqué la situation plus que dangereuse du Portugal, dans l'article "Après la Grèce, au tour du Portugal?". En effet la situation actuelle au Portugal ressemble fortement à la situation en Grèce il y a un an, avec la fin que l'on connaît. Ceci explique le niveau très élevé des CDS portugais, autour de 1000 points de base (= prime annuelle de 10% de la valeur notionnelle à payer pour l'acheteur du CDS)
Mais l'inquiétude du moment vient de l'Espagne, qui a eu une adjudication (= une émission de nouvelle dette) très difficile mercredi 11 avril, marquée par une forte hausse des taux. Les primes de CDS fin mars de l'Espagne et de l'Italie étaient identiques (voir graphique ci-dessus), mais si l'on regarde l'évolution, la situation semble plutôt se stabiliser en Italie (1er graphique), et s'aggraver en Espagne (2ème graphique). Attention, les deux échelles ne sont pas les mêmes.
Conclusion: Il n'y a pour le moment que très peu de risque de défaut en France. On peut d'ailleurs penser qu'en cas de catastrophe au Portugal, la situation pourrait encore être gérée (non sans difficulté), le Portugal ne représentant que 2,3% du PIB de la zone euro (plus ou moins comme la Grèce). Mais si la contagion atteignait l'Espagne (13% du PIB de la zone) ou bien l'Italie (17% du PIB), il serait alors impossible d'empêcher un effondrement total de la zone. Comment éviter cela? En rééquilibrant les finances publiques sans trop affecter la croissance. Bonne chance donc à Mister Monti et Rajoy pour cela.