Le 13 novembre 2011, il y a donc environ 4 mois, Silvio "il Cavaliere" Berlusconi démissionnait, remplacé par Mario "il Professore" Monti. Et bien bizarrement, lorsque l'on remplace un "Cavaliere" adepte de bunga-bunga par un "Professore" expert en économie, on ressent rapidement la différence. L'Italie, au bord du gouffre il y a quelques mois, semble désormais de retour sur le droit chemin. Mais comment Super Mario (nom aussi donné à Mario Draghi, le nouveau président de la BCE depuis novembre 2011) a t-il fait pour redresser l'Italie en si peu de temps? C'est parti pour une belle leçon de pragmatisme et d'efficacité, dont feraient bien de s'inspirer les politiciens français!
Le Captain' s'excuse par avance si cet article n'est pas 100% objectif, mais je suis prêt à parier que l'on parlera de Monti dans les prochaines années comme L'HOMME ayant réformé et donné une impulsion nouvelle à l'Italie, à l'instar de Thatcher en Angleterre ou de Schröder en Allemagne.
Mi-novembre 2011, Mario Monti accepte "avec réserve" le poste de président du Conseil et forme un gouvernement composé uniquement de techniciens ; tchao les anciens parlementaires et politiciens de carrière. Il se nomme lui même Ministre de l'Economie et des Finances, nomme un ancien amiral et président du Comité militaire de l'OTAN à la Défense (Gianpaolo Di Paola), une avocate et prof' de droit à la Justice (Paola Severino), une économiste et universitaire au Travail (Elsa Fornero), un ex-banquier et chef d'entreprise au Développement économique (Corrado Passera)... Réduction dans le même temps du nombre de ministres: 16 dans le gouvernement Monti contre 24 à l'époque de Berlusconi.
Le Captain' avait rédigé un "Petit plaidoyer pour que le ministre de l'Economie soit un économiste" en décembre dernier, dans lequel il montrait qu'en France, l'actuel Ministre de l'Economie est un avocat, le Ministre de l'Education un ex-DRH, et que Roselyne Bachelot a par exemple été Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable, puis Ministre de la Santé et des Sports et enfin Ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale (il est où le rapport?).
Bref' ce gouvernement étant formé, il fallait absolument réformer le pays, pour éviter la faillite. Les taux auxquels l'Etat italien empruntait à 10 ans sur les marchés s'envolaient (autour de 7% fin 2011 - contre 5% actuellement, voir graphique ci-dessous), ce qui mettait la dette italienne sous pression (via la hausse de la charge d'intérêt de la dette). Pour stopper l'hémorragie il fallait donc, comme l'a dit Monti lui même le lendemain de son intronisation (1) rééquilibrer les finances publiques, (2) retrouver un modèle de croissance et (3) améliorer l'équité sociale.
Pour rééquilibrer les dépenses publiques, Mario Monti a imposé une cure d'austérité d'environ 20 milliards d'euros (arrêt de l'indexation des retraites sur l'inflation, hausses d'impôts sur les biens immobiliers, chasse aux fraudes fiscales), venant s'ajouter aux deux précédentes cures adoptées sous Berlusconi pour un montant de 60 mds. Demandant aux citoyens des sacrifices, Mario Monti montra alors l'exemple, en annonçant qu'il était "de son devoir de renoncer à son salaire de président du Conseil et de ministre de l'Economie et des Finances". Cela ne représente rien en valeur, et je ne m'inquiète pas spécialement pour le compte en banque de Super Mario, mais c'est tout de même la classe... Et en plus de cela, Monti a imposé à tous les ministres (et donc à lui même) la publication de leurs patrimoines. Pour plus d'infos voir cet article, dans lequel on découvre que Monti a eu en 2011 un revenu annuel d'un million d'euros et est propriétaire de 16 biens immobiliers (facile le Mario)...
Sauf que l'austérité sans croissance ni équité, cela ne marche pas! Pour aller chercher de la croissance, Mario Monti a lancé une vague de libéralisation de l'économie, en levant les obstacles sur de nombreux métiers réglementés. En vrac: augmentation du nombre de licences de taxis et de pharmacies, abolition des tarifs minimums des avocats ou notaires, ouverture à plus de concurrence des stations-services... Cela paraît tout con, mais ces mesures renforçant la concurrence devraient en théorie améliorer le pouvoir d'achat (via baisse des prix) et créer de l'emploi. Forcément les professionnels de ces secteurs ont gueulé, mais la réforme est passée sans trop de problème.
Et hop on rajoute un peu d'équité dans tout ce beau mix. Les banques italiennes doivent désormais assurer la gratuité des frais bancaires pour les retraités ayant moins de 1500 euros de pension. Les activités des grands patrons sont désormais encadrées et le cumul des mandats interdit. Pour terminer, saupoudrez le tout d'une belle dose de pragmatisme, lorsque Mario Monti a annoncé mi-février que l'Italie retirait la candidature de Rome pour l'organisation des JO 2020 du fait de la situation financière actuelle du pays (les JO d'Athènes ont été un gouffre financier, ceux de Londres risquent de l'être aussi).
Tout n'est cependant pas encore gagné en Italie. Suite aux cures d'austérité, l'Italie devrait connaître une récession autour de 2,2% en 2012 et 0,6% en 2013 (selon les dernières estimations du FMI). Il n'est pas non plus certains que toutes les réformes passeront sans accrochage. Mais avec une cote de popularité de 60% malgré l'austérité (contre 30% pour Berlusconi), Mario Monti semble pour le moment capable de réformer en profondeur un pays qui en avait grandement besoin.
La situation actuelle en Italie inspire deux sentiments au Captain: (1) l'espoir en voyant qu'un homme politique est capable de réellement changer la donne d'un pays, que la politique sert à quelquechose et que ce ne sont pas "tous des pourris" et (2) la consternation, en regardant la situation actuelle en France et en ne voyant en aucun des candidats un futur Thatcher/Schröder/Monti, c'est à dire un vrai réformateur prêt à changer les mentalités en France.
Conclusion: L'austérité n'est pas LA réponse au problème de la dette. Il en faut bien évidemment, mais il ne faut surtout pas oublier l'objectif numéro 1: la croissance. Ce n'est pas une chose aisée, mais une libéralisation des professions réglementées et une augmentation de la flexibilité du travail peuvent permettre cela. En France, il y a tout de même eu de bonnes réformes durant les cinq ans du mandat Sarko (retraites, universités, auto-entreprenariat...) mais trop peu lorsque l'on compare à l'action en quatre mois de Mario Monti. Go Mario Go !