Fin du feuilleton sur les fonds/mécanismes de stabilité européens, avec la présentation du Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Si vous avez raté le début de la série, c'est par ici Part #1: Le FESF et Part #2: Le MESF. Dans quelques semaines seulement, à partir du 1er juillet 2012, le MES remplacera les deux mécanismes temporaires cités précédemment, le FESF et le MESF.
Mais pourquoi remplacer le FESF et le MESF ? Car ces deux mécanismes, créés pour faire face à la crise de la dette en 2010, n'avaient aucun fondement juridique et, n'ayant pas été adopté par traité, devaient être dissout au bout de 3 ans. A l'inverse, le MES a fait l'objet d'une ratification de la part des pays membres, ainsi que d'une modification du traité de Lisbonne. Le MES sera donc une institution financière internationale à part entière, qui sera dirigée par le conseil des gouverneurs composé des ministres des finances des pays membres de la zone euro.
Tout comme le FESF et le MESF, le principe général est le même: le MES emprunte sur les marchés financiers à un taux "relativement" faible grâce aux garanties accordées par les Ãtats membres, pour ensuite pouvoir prêter cet argent aux pays en difficultés de la zone euro. Le MES disposera d'une capacité de prêt de 500 mds d'euros sur la base d'un capital de 700 mds d'euros. Une partie du capital est ce que l'on appelle "libéré", l'autre étant "appelable". Késako ?
Une partie du capital du MES sera libérée, c'est à dire effectivement versée par les Etats membres au MES. L'article 41 du traité prévoit en effet que le MES dispose d'un capital libéré de 80 mds d'euros en 2016 (sur un total de 700 mds d'euros de capital, donc 620 mds de capital "appelable"). Mais quels sont les avantages et inconvénients de cela?
Le capital du FESF n'était fait que de garantis, et donc n'a eu aucune influence sur la dette des pays garantissant le fonds. C'est un peu comme lorsque des parents se portent caution pour le loyer de leur fils; cela n'a pas d'influence (sauf bien sûr en cas de défaut) sur la dette des parents.
Par contre, le MES exige en plus des garanties qu'une partie du capital soit effectivement versé. Le versement du capital va donc augmenter la dette de la France. Mais de combien? Sur les 80 mds d'euros de capital libéré par l'ensemble des membres, la France doit verser 20,4%, soit 16,3 mds sur 5 ans (étant donné sa participation au capital de la BCE) ! Cette contribution de la France au MES va donc augmenter la dette d'ici 2016 de ce même montant (mais pas le déficit pour des purement raisons comptables - source: Senat). Pour l'année 2012, la France a choisi de verser directement l'équivalent de deux annuités, soit une hausse de la dette de 6,5 mds.
"Les versements de la France seront comptabilisés dans le déficit budgétaire au moment de leur décaissement mais considérés comme des opérations financières en comptabilité nationale n'impactant pas le déficit public au sens de Maastricht."
Le tableau assez moche ci-dessous, extrait du site du Sénat, résume toutes les garanties apportées ou effectivement versées par la France. On retrouve les 16,3 mds de capital libéré, auquel s'ajoute un engagement de garantis pour le MES de 126,4 mds d'euros. D'où sort ce chiffre? Il est simplement égal au capital total appelable (620 mds) multiplié par la part de la France (20,4%).
Voilà pour le coté "désavantage". Mais le fait qu'une partie du capital soit effectivement libéré devrait permettre au MES d'emprunter à des taux plus faibles. Alors que le FESF est noté AA par Standard's & Poors, l'objectif est que le MES obtienne le fameux AAA afin de pouvoir emprunter aux taux les plus faibles possibles. Le fait que le MES puisse prêter pour 500 mds et que les pays apportent une garantie de 700 mds, soit une sur-garantie de 40%, pourrait aussi constituer un élément de sécurité appréciable pour les investisseurs prêtant au MES.
Autre différence avec le FESF: "les prêts octroyés par le MES bénéficieront d'un statut de créancier privilégié comme ceux du FMI, tout en acceptant que le FMI soit privilégié par rapport au MES" (source: European Council). Pour simplifier, cela signifie qu'en cas de difficultés d'un pays ayant reçu une aide du MES, le MES sera prioritaire (juste derrière le FMI) pour récuperer les sommes pouvant encore être récupérées (avant tous les autres créanciers ayant prêté de l'argent à ce pays).
Conclusion: Les aides du MES ne seront pas sans contrepartie; les Ãtats bénéficiaires devant s'engager à prendre des mesures précises qui conditionneront l'octroi du prêt. Ce mécanisme, même s'il peut être vu par certains comme une perte de souveraineté et par d'autres comme représentant un risque de hausse de la dette, est, pour le Captain', une très bonne chose pour la zone euro. Sans un plus grand fédéralisme européen, qui implique il est vrai une certaine perte de souveraineté, l'Europe n'a que très peu de chance de survie... La mise en place de cette institution internationale, regroupant les ministres des finances de chaque pays de la zone euro, pourrait bien être un premier pas vers la création d'un ministère européen des finances. Ce n'est pas le Captain' qui le dit, mais Jurgen Starck, l'ex chef économiste de la BCE.