Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, l'objectif d'un individu confronté à une décision d'investissement n'est pas de maximiser le rendement espéré de ses investissements ! Son objectif doit être (1) de maximiser le rendement espéré pour un niveau de risque donné ou bien (2) de minimiser le risque pour un niveau de rendement espéré. Le couple risque-rendement est donc à la base de toutes décisions d'investissements ! Mais comment peut-on déterminer le risque d'un actif financier ? En quoi la diversification d'un portefeuille peut-il permettre de déterminer un portefeuille d'efficience ? Voici donc une introduction à la théorie moderne du portefeuille.
En finance, le risque d'un actif financier est calculé en fonction de sa volatilité. La volatilité est couramment définie comme l'écart-type des rentabilités journalières ; l'écart-type étant lui même défini comme la racine carré de la variance. Pour le dire autrement, un actif a une forte volatilité lorsque ses variations journalières sont très dispersées autour de sa moyenne, tandis qu'un actif à une faible volatilité si ses rentabilités journalières sont regroupées autour de sa moyenne. En tant qu'individu, vous allez demander une prime de risque pour détenir un actif à forte volatilité plutôt qu'un actif à faible volatilité. En effet, les investisseurs ont une aversion pour le risque, et demandent donc un rendement plus élevé pour compenser le fait de porter un actif plus risqué.
Mais lorsque vous achetez un actif financier, vous ne pouvez pas connaître avec certitude son rendement futur. Si demain vous achetez une action Peugeot, vous ne pouvez en effet pas dire "dans un an, cela m'aura rapporté 5%" ! Une technique pour estimer l'espérance et la variance du taux de rendement futur risqué est de se baser sur la moyenne et la variance des séries chronologiques passées, en supposant donc une stabilité de la distribution de probabilité des taux de rendement.
Supposons que vous ayez, à l'aide des séries chronologiques, estimer le rendement espéré et le risque de deux actions du CAC40, par exemple de la Société Générale et de LVMH. Pour le dire avec des termes mathématiques, vous avez donc désormais l'espérance (rendement espéré) et l'écart-type (niveau de risque) prévisionnelles du taux de rendement des deux actions. Par exemple, l'écart-type annuel que vous avez estimé du taux de rendement de la Société Générale est de 60%, et celui de LVMH de 30%. L'espérance annuelle est de 5% pour Société Générale et de 3% pour LVMH. Si vous vous constituez un portefeuille composé à 50% d'actions de la SoGé et à 50% d'actions de LVMH, quel est alors le rendement espéré et le niveau de risque prévisionnel de votre portefeuille ?
"Facile Captain', c'est tout simplement la moyenne pondérée des deux actifs, donc pour notre portefeuille une espérance de 4% et un écart-type de 45%" ! Bien tenté, mais non... En effet, le rendement d'un portefeuille est bien égal à la moyenne pondérée des titres qui le composent ; mais cela n'est pas vrai pour le risque. En finance, la variance d'un portefeuille est définie par Ïp2. La variance totale du portefeuille dépend de la variance individuelle de chacun des titres, mais aussi de leur corrélation. En effet, supposons que les titres Société Générale et LVMH suivent des trajectoires inverses (corrélation négative), c'est à dire que lorsque l'action LVMH augmente, celle de la Société Générale à tendance à diminuer (et inversement). Dans ce cas là , il est assez simple de comprendre que le risque de votre portefeuille va fortement diminuer. La formule exacte du calcul de la variance du portefeuille est donc (avec X1 et X2 la pondération dans chaque actif, ici 50%, et p la corrélation entre les deux actifs).
Dans notre exemple, si l'on considère une corrélation de +0,5 entre l'action SoGé et LVMH, alors la variance du portefeuille est égale à 12,37%, soit un écart-type du portefeuille de 35%. Le risque du portefeuille est donc inférieur à la moyenne pondérée des risques: c'est ce que l'on appelle le gain à la diversification. L'espérance de rendement ne change pas, mais le risque oui. Et c'est bien ce que souhaite un investisseur averse au risque : "minimiser son risque pour un niveau de rendement espéré".
A part si les actifs sont parfaitement corrélés (si p = 1), il est donc possible de diminuer le risque prévisionnel en diversifiant son portefeuille. En supposant un grand nombre d'actifs financiers et toutes les combinaisons possibles, il est donc possible de calculer l'espérance et la variance du rendement prévisionnel d'un très grand nombre de portefeuilles. Chaque portefeuille aura donc des caractéristiques d'espérance et de variance différentes, en fonction du choix des actifs, des pondérations et des corrélations entre les actifs. Il est alors possible d'obtenir un graphique représentant le risque et le rendement de chaque portefeuille, et de déterminer une frontière d'efficience à partir des portefeuilles dominants/dominés .
Chaque point sur la courbe bleue à partir du point rouge "Portefeuille à variance minimale" correspond à un portefeuille efficient ; c'est ce que l'on appelle la frontière d'efficience ou frontière de Markowitz. Si un portefeuille se trouve dans la zone hachurée, il n'est pas efficient car il existe (1) un autre portefeuille apportant ce même niveau de rendement mais avec un risque plus faible ou (2) un autre portefeuille apportant un rendement supérieur pour le niveau de risque considéré. Chaque investisseur peut ensuite choisir n'importe quel portefeuille sur le demi-courbe bleue, en fonction du niveau de risque qu'il est prêt à supporter ou bien du rendement qu'il espère (maximisation de l'utilité de l'investisseur).
Conclusion: En tant qu'investisseur individuel, vous avez donc tout intérêt à diversifier vos placements, afin de vous rapprocher le plus possible du portefeuille ayant le meilleur ratio risque-rendement selon votre profil d'investisseur (bon père de famille, "risk lover"...). Si actuellement tout votre argent est investi sur une seule action, alors sachez qu'il est possible de diminuer votre risque sans diminuer votre rendement espéré, simplement en diversifiant votre portefeuille. Le modèle présenté ici n'introduit pas la possibilité d'investir dans un actif sans risque ni la possibilité de prêt et d'emprunt. En introduisant ces deux notions, nous verrons vendredi comment il est possible de construire la célèbre "Security Market Line" (SML - Droite de marché des titres).