Les Credit Default Swap (en français les dérivés sur évènement de crédit) sont des instruments financiers permettant de compenser les pertes sur un actif. Supposons que vous ayez dans votre portefeuille pour 10 millions d'euros en obligations souveraines françaises, mais que vous ayez peur que la France ne rembourse pas sa dette. Pour vous assurer contre ce risque de défaut, vous pouvez donc acheter un certain nombre de contrat CDS (par exemple à votre banque), qui s'engage à vous rembourser en cas de défaut de l'Etat français. En échange de ce transfert de risque, vous devez payer à votre banque un montant annuel défini à la signature du contrat.
Les CDS s'apparentent donc à un contrat d'assurance classique : si vous avez peur que votre maison parte en fumée (que l'émetteur de l'obligation fasse défaut), vous pouvez souscrire un contrat d'assurance (acheter des CDS). Vous devez payer un montant annuel défini (prime de CDS) et l'assureur s'engage à vous rembourser en cas d'incendie (déclenchement de l'événement de crédit). Alors en quoi les CDS sont-ils responsables de la crise de la dette actuelle?
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Car les CDS ne sont pas des contrats d'assurances classiques pour deux raisons principales (1) vous pouvez acheter des CDS sans posséder l'actif sous-jacent et (2) le vendeur de CDS peut vendre pour un montant illimité de CDS. Vous n'avez rien compris, pas de panique! Pour expliquer (1), reprenons le cas de l'assurance habitation ; dans le cas des CDS, vous pouvez acheter des protections pour des actifs que vous ne possédez pas, ce qui revient à assurer la maison de votre voisin. Résultat, si la maison de votre voisin brûle, vous gagner de l'argent comme si votre maison avait brûlé, mais vous n'avez pas de perte à compenser. Cela vous donne donc pas mal de raisons de malencontreusement lancer un cocktail molotov dans le jardin de votre voisin. (2) Un vendeur de CDS peut vendre des CDS pour un montant supérieur à la valeur réel des actifs ; ce qui revient à assurer votre maison 10 fois. Si votre maison brûle, vous serez donc rembourser 10 fois sa valeur. Et mince, bébé à encore jouer avec le chalumeau trop prêt des bottes de pailles qui décorait votre salon!!
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Tout n'est pas si simple non plus. Supposons que vous achetiez des CDS sur des obligations souveraines françaises pour un encours notionnel de 10 millions d'euros. Si la France fait défaut, le vendeur du CDS devra vous verser 10 millions d'euros. Ce genre de contrat coûte actuellement 2% de la valeur de l'encours notionnel (soit 200.000 euros annuel - source Bloomberg). Si vous n'avez pas d'obligations souveraines françaises dans votre portefeuille, votre but est donc que la France fasse défaut. Mais autant brûler votre maison ou celle de votre voisin parait faisable, autant entraîner le défaut d'un état demande plus de moyens. Il est cependant vrai que ce genre de situation n'est pas vraiment au service du bien-être général et peut entraîner de nombreux abus.
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Ce que l'on reproche aux CDS est leur caractère auto-réalisateur; plus le nombre de personnes souhaitant acheter des CDS seront nombreux, plus le prix des CDS va augmenter. La taille du marché étant relativement faible, les mouvements des CDS peuvent être très rapides. Hors les CDS représentent une probabilité de défaut et une hausse des CDS peut jouer sur le taux d'emprunt des états car les investisseurs peuvent interpréter la hausse des CDS comme une hausse du risque. Cette hausse du taux d'emprunt augmente la charge d'intérêt, ce qui augmente à son tour le risque de défaut et donc le prix des CDS.
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Un autre problème des CDS est qu'il s'agit de transactions non-financées, sans aucune obligation de garantie de fond (exposition hors bilan). Le vendeur de CDS peut donc vendre un nombre énorme de contrat, en espérant encaisser une prime annuelle sans aucun frais si il n'y a pas de défaut. Personne ne peut être assez stupide pour vendre des CDS sans prendre en compte le risque et les pertes en cas de défaut! Et bien si, AIG, le leader mondial de l'assurance et des services financiers, l'a fait. Mais cette bien belle histoire vous sera contée dans un prochain article.
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Conclusion : Supprimer les CDS est stupide! Mais il faudrait les réglementer en (1) limitant l'achat de CDS pour les investisseurs détenant le sous-jacent, et en (2) intégrant les pertes dans le bilan selon la valeur actuelle (mark-to-market) ou via une chambre de compensation pour permettre d'avoir plus de visibilité sur les risques encourus.