Le Captain' a envie de commencer cette année 2013 avec optimisme. D'accord, les prévisions de croissance ne sont pas jolies jolies (+0,8% selon le gouvernement, entre 0,3 et 0,4% selon le FMI, la Commission Européenne ou l'OCDE...). Ok, le chômage ce n'est pas ça non plus ! François Hollande a pourtant annoncé hier durant son discours de voeux que "toutes nos forces seront tendues vers un seul but : inverser la courbe du chômage d'ici un an, coûte que coûte"... Mais selon les dernières prévisions de l'OFCE, le chômage pourrait atteindre 11% à la fin 2013, ce qui implique environ 243.000 chômeurs de plus sur l'année (l'équivalent d'un "Florange" par jour !!!). Je vous passe aussi les risques d'éclatement de la bulle actuelle sur certaines classes d'actifs (matières premières, bourses...) et les dangers de la politique monétaire généralisée de Quantitative Easing un peu partout dans le monde... Mais je vous ai dit que nous allions débuter l'année avec optimisme, donc débutons !
Commençons par l'exemple de Gemalto. Cette entreprise, méconnue du grand public, est le leader mondial de la sécurité numérique (cartes à puce, passeports biométriques, logiciels...). Comme un symbole, Gemalto a remplacé le vieillissant Alcatel-Lucent au sein du CAC40 il y a tout juste une semaine (le 24 décembre). Sur l'année 2012, l'action Gemalto a en effet bondi de 78,87%, pendant que de son côté, Alcatel-Lucent en perdait 22,49%. Pour rappel, le CAC40 est constitué des 40 entreprises françaises ayant la plus forte capitalisation boursière, et il y a donc des entrants et des sortants en fonction de l'évolution des cours boursiers (le Conseil Scientifiques des Indices Boursiers se réunissant 3 à 4 fois par ans pour mettre à jour l'indice).
Cette passation de pouvoir illustre en quelques sortes le principe de destruction créatrice mis en avant par Schumpeter. Une entreprise innovante et à forte valeur ajoutée remplace une entreprise ayant raté un virage technologique. Mais le problème est "qu'un arbre qui tombe fait beaucoup de bruit, une forêt qui germe ne s'entend pas" (Mohandas Gandhi)... Et les médias jouent bien souvent un mauvais rôle dans ce processus, en ne montrant que l'arbre qui tombe sans parler de la forêt qui est en train de germer. Dans "Le grand malentendu, L'idée de libre-échange en France", l'économiste Antoine Bouët explique cela avec brio. Extrait.
"Les chiffres de suppressions dâ€emplois sont annoncés au début du journal, puis répétés tout au long du sujet. 4000 suppressions dâ€emplois en Belgique chez Volkswagen, 300 suppressions dâ€emplois sur 438 postes pour lâ€usine Well en France. Cette dénonciation est mise en scène. Une longue discussion avec une victime de la mondialisation, les mains croisées sur une table de cuisine. Quelques jours plus tard, on explique les raisons de ces délocalisations. Des salaires misérables au Bangladesh, le travail des enfants, des droits syndicaux absents… Une réalité dramatique et simplifiée à outrance, à base de témoignages, remplace ainsi lâ€analyse et la mise en perspective qui seules permettent de construire une représentation satisfaisante de la vérité. Typiquement, la télévision peut donner à voir des destructions dâ€emplois massives ; mais elle peine à représenter la croissance dâ€une entreprise qui gagne des marchés à lâ€exportation. Loin de la raison et de lâ€intelligibilité des faits, câ€est lâ€Ã©motion qui lâ€emporte. Au lieu de débattre, on communie dans la déploration. Tous ensembles, téléspectateurs et politiques. [...]"
Comme parfaitement expliqué par mes amis du site Margin Call dans "Détruire pour mieux créer" et Wikipédia ("merci la fiabilité de la source Captain'..."), Joseph Schumpeter place l'entrepreneur et l'innovation au sein même du processus de changement des structures. L'innovation est à la fois source de croissance et facteurs de crise. Les crises ne sont pas de simples ratés de la machine économique ; elles sont inhérentes à la logique interne du capitalisme. Elles sont salutaires et nécessaires au progrès économique. Les innovations arrivent en grappes presque toujours au creux de la vague dépressionniste, parce que la crise bouscule les positions acquises et rend possible l'exploration d'idées nouvelles et ouvre des opportunités. Au contraire, lors d'une période haute de non-crise, l'ordre économique et social bloque les initiatives, ce qui freine le flux des innovations et prépare le terrain pour une phase de récession, puis de crise.
C'est donc selon Schumpeter au plus fort de la crise, une fois les structures existantes déstabilisées, que l'innovation arrive et permet un nouveau cycle de création. Mais pour cela, la France a besoin d'entrepreneur innovateur ! L'entrepreneur doit être au coeur du processus de création ; il faut donc l'aider à se développer, ou tout du moins ne pas tout faire pour le faire partir ou le décourager (taxation abusive sur les plus-values, rigidité et complexité du marché du travail, paperasses inutiles...).
Il est vrai que le principe de la destruction créatrice de Schumpeter a tout de même ses limites. L'innovation et la création d'entreprises à fortes valeurs ajoutées à tendance à générer des emplois certes, mais des emplois relativement qualifiés. A court terme, les travailleurs, en tant que facteurs de production, étant peu mobiles, cela aura tendance à générer une hausse du chômage chez les peu qualifiés et donc à augmenter les inégalités entre riches et pauvres.
Conclusion: Le Captain' ne va pas vous embêter plus longtemps en ce lendemain de réveillon. Votre doliprane de ce matin commençant à perdre de son efficacité, je vais éviter pour une fois d'écrire un pavé de 50 pages... Bref, 2013 ne sera pas une grande année d'un point de vue macro-économique, mais il est possible de voir en cette crise actuelle un changement de paradigme, une mutation de la société... Et qui dit mutation implique donc des opportunités de création et d'innovation pour changer notre monde. Bonne année les amis !!