Selon les dernières estimations de l'Agence Française du Trésor, la charge nette d'intérêt de la dette devrait atteindre 46,8 mds d'euros en 2011. La dette de la France étant de 1700mds, et avec un taux moyen d'emprunt de 2,8%, on retombe quasi-parfaitement sur notre charge de la dette (1700 x 0,028% = 47mds).  Ce qui correspond à un coût pour l'Etat uniquement en remboursement des intérêts d'environ 1500 euros par seconde!
En dehors de ce chiffre choc (mais bon il fallait bien vous donner envie de lire cet article), analysons plus en détail ce que 47mds d'euros représentent dans les dépenses de l'Etat (budget 2010). Le 1er poste de dépense de l'Etat correspond aux dépenses de personnel (42%), suivi par les dépenses d'interventions (aides économiques et sociales...) et en troisième position arrive la charge de la dette (15% des dépenses de l'Etat).Â
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Par définition, toute dépense de l'Etat qui n'est pas compensée par une recette entraîne une hausse du déficit public (solde public = revenus de l'Etat - dépenses de l'Etat). Continuons donc les comparaisons; la charge des intérêts correspond en valeur à l'intégralité des recettes de l'Etat via l'impôt sur les sociétés (44 mds en 2010). Pour infos, les deux autres grands postes de revenu de l'Etat, à savoir l'impôt sur le revenu et la TVA rapportent respectivement environ 60 mds et 130 mds.
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Mais avoir une forte dette, et donc une charge de la dette importante est-ce nécessairement mauvais? En théorie, si les emprunts de l'Etat servent à financer des projets productifs, qui permettront sur le long terme d'améliorer la croissance ou le bien-être des habitants, avoir recours à l'emprunt est une bonne chose. Si l'Etat augmente sa dette uniquement pour financer son déficit public et pour rembourser la charge d'intérêt de la dette, cela est bien évidemment contre-productif. La situation d'un Etat peut-être comparée à celle d'une entreprise ; dans le 1er cas une entreprise emprunte pour investir dans des projets de long terme ou en recherche et développement (bien), dans le second elle emprunte pour rembourser ses dettes antérieures et parce que son "business plan" est mauvais (pas bien). Sans rentrer dans les détails, il y a tout de même une forte différence entre l'Etat et une entreprise due au fait que la charge d'intérêt soit déductible des impôts pour une entreprise.
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Ok c'est bien beau, mais comment on peut faire pour baisser la charge d'intérêt de la dette? Voici la proposition de l'ancien économiste en chef du FMI, Keneth Rogoff "Pourtant le vrai problème nâ€est autre que lâ€endettement catastrophique qui touche lâ€Ã©conomie à lâ€Ã©chelle mondiale et auquel il sera impossible de remédier rapidement sans la mise en place dâ€un système de transfert de la richesse des créanciers aux débiteurs, en recourant soit au choix du non-paiement, soit de la répression financière, soit de l'inflation.".
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Trois solutions donc, (1) le non-paiement (le défaut sur dette), solution un peu agressive qui consiste à dire à ses créanciers "hmm tout compte fait, je vais jamais vous rembourser". Cette solution est clairement efficace pour réduire sa dette (l'Argentine l'a fait en 2001), par contre sur le long terme plus personne ne voudra vous prêter de l'argent et vous n'aurez plus accès aux marchés (dans le meilleur des cas vous ne pourrez plus financer vos déficits et projets, dans le pire vos créanciers vous balance les chars et les rafales). (2) La répression financière, qui consiste à imposer à ses créanciers une baisse, voire une suppression des intérêts de la dette (compliqué à mettre en place).
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(3) Et pour finir l'inflation... Comment l'inflation réduit la charge de la dette ? C'est la même chose que si vous, en tant qu'individu, vous devez rembourser 1000 euros par mois pour le prêt de votre maison (cette somme est fixe sur 10 ans). Si il y a de l'inflation, c'est à dire si les prix augmentent, votre salaire devrait en théorie augmenter. Plus l'inflation est forte, plus la hausse de votre salaire le sera. Si votre hausse de salaire est proportionnel à la hausse des prix (dans la cadre de la boucle prix-salaires), votre pouvoir d'achat n'augmentera pas. Par contre, la charge d'intérêt de votre prêt sera plus faible qu'au départ (le pourcentage de votre salaire destiné au remboursement de votre prêt baissera). Cette solution, bien qu'ayant de nombreux désavantage (par exemple l'inflation et la hausse des salaires entraînent une baisse de compétitivité, et donc une baisse des exportations) est au centre des débats depuis quelques semaines. Cependant, pour voir une politique de ce type s'appliquer en Europe, il faudrait un changement du mandat de la BCE dont le rôle est de garder l'inflation à un niveau autour de 2%.
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Une 4ème solution, non-proposée par Rogoff, est la forte réduction des dépenses publiques (comme ce que les anglais sont en train de faire), afin de rééquilibrer le budget de l'Etat. Le gouvernement anglais a annoncé mardi 29 novembre un report de l'âge du départ à la retraite à 67 ans d'ici 2026, le gel des salaires des fonctionnaires pendant deux ans, et la suppression de 710.000 postes d'ici 2017 (non-remplacement des départs à la retraite). Le plan d'aide prévoit aussi jusqu'à 46 mds d'euros de prêts aux PME et 35 mds pour des projets d'infrastructures.
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"Arrêtez de vivre au dessus de ses moyens". Cela n'est pas forcément évident à comprendre mais c'est sûrement la seule vraie solution à cette crise de la dette sur le long terme (bon ok, il y a deux millions de fonctionnaires dans la rue en Angleterre donc c'est pas encore gagné...)!