Après avoir évoqué hier le fait que la France était deuxième mondial au niveau des dépenses publiques, il est temps maintenant de regarder les solutions possibles pour réduire ces dépenses publiques! Y'en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes... Petit rappel en trois points de la situation en France (1) 1100 milliards d'euros de dépenses publiques en 2010, soit 56,6% du PIB, (2) les fonctions "protection sociale" et "santé" représentent 56% des dépenses publiques (respectivement 41,4% et 14,8% en 2009), (3) les recettes publiques s'élèvent à 49,5% du PIB, ce qui entraîne par définition un déficit public en 2010 de 49,5 - 56,6 = -7,1%.
Voila pour le constat, intéressons nous donc de plus près aux deux principaux postes de dépenses: la protection sociale (chômage, RSA, allocations, congés maladie...) et la santé (hôpitaux, médicaments...). L'utilisation de la base de données Eurostat des "Dépenses des administrations publiques par fonction" va permettre de réaliser une comparaison précise entre la France et la zone euro en ce qui concerne ces deux postes de dépenses.
En pourcentage de PIB, les dépenses de protection sociale représentent en France 23,7% du PIB (protection sociale -> 41,4% des dépenses ; dépenses -> 56,6% du PIB ; protection sociale en %PIB = 0,414 * 0,566 et le compte est quasi-bon). La moyenne des 17 pays de la zone euro est de 20,6% du PIB . "La faute à la crise?" Pas si sur! Si l'on s'intéresse à l'évolution des dépenses de protection sociale en pourcentage du PIB entre 2001 et 2007 (pré-crise), on peut voir deux trajectoires différentes entre la moyenne de la zone euro et la France (la France faisant partie de la zone euro, la différence serait plus grande encore si l'on comparait zone euro hors-France et la France). Pour éviter les remarques style "ya plein de tout petit pays dans la zone euro à 17, on ne peut pas vraiment comparer", le Captain' va utiliser la zone euro à 11, celle de 1999 (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal).
Alors qu'entre 2001 et 2007, les dépenses de protection sociale avaient baissé au sein de la zone euro à 11 (de 18,8% du PIB à 18,5%), elles ont augmenté sur cette même période en France (de 20,6% à 21,7%). La France dépense en moyenne 2,5 points de PIB de plus que la moyenne de la zone euro. Pourquoi les dépenses montent depuis 2008? Avec la hausse du taux de chômage et la crise, les dépenses de protection sociale augmentent mécaniquement via entre hausse la hausse des allocations chômages et RSA, rien de bien compliqué.
Et concernant la santé alors? Même combat ; les dépenses de la France sont en moyenne supérieures de 1 point de PIB à la moyenne de la zone euro (en 2009, 8,4% du PIB en France contre 7,4% en zone euro). Ca ne parait pas forcément énorme, mais si vous ramenez la France au niveau de la moyenne de la zone euro pour les dépenses de protection sociale et de santé, le déficit se réduit d'environ 3,5 points (2,5+1) et hop la France répond à toutes les exigences de stabilité budgétaire et devient un modèle à suivre.
"Cool Captain' mais comment on peut réduire ces dépenses? On ne va pas enlever les allocations chômage ou l'accès au soin !". Réduire les dépenses publiques sans creuser les inégalités n'est pas une chose facile, mais des gens bien plus intelligent que le Captain' réfléchissent à ce problème depuis quelques temps. Voici donc quelques une des propositions de l'Institut Montaigne, un think tank français. Think tank, c'est quoi ça? Wikipedia a dit : "Un think tank ou laboratoire d'idées est une institution de droit privé, en principe indépendante des partis, à but non lucratif, regroupant des experts et qui produit des études et des propositions dans le domaine des politiques publiques." Il existerait donc vraiment des gens qui réfléchissent, ni pour l'argent ni pour le pouvoir, mais simplement pour améliorer la situation de la planète et de l'humanité? C'est beau la vie (j'en ai fait un peu trop je crois...)! La définition de Wikipédia, source pourtant incontestable en temps normal, n'est pas partagée par tout le monde, principalement sur le caractère a-politique des think tanks (lire pour plus d'infos "Les évangélistes du marché"). Mais bref, passons au concret maintenant.
Voici donc quelques propositions du think tank de l'Institut Montaigne dans le rapport "Santé: 10 propositions pour demain" (avril 2011). La proposition préférée du Captain' est celle consistant à "distinguer clairement ce qui relève de la solidarité nationale de ce qui relève de lâ€assurantiel" en proposant que l'Etat définisse un panier de soins universel pris en charge à 100% pour tous les résidents français et que l'autre partie des soins "non-vitaux" relève principalement de l'assurance privée (= des mutuelles, à chacun de choisir s'il veut ou non souscrire à une mutuelle).
Autre proposition intéressante de l'Institut, "promouvoir les établissements privés à but non lucratif". Les établissements privés à but non-lucratif "fonctionnent sans fonctionnaires ni actionnaires, et dispose d'une organisation plus souple qui permet des innovations organisationnelles". En France, le privé non-lucratif ne représente que 15% de la capacité en lits d'hospitalisation, contre 60% aux States et 86% aux Pays-Bas. Les dépenses publiques de santé représentent 6,8% du PIB au Pays-Bas, soit un chiffre inférieur à la moyenne de la zone euro à 11 (qui est de 7,4% du PIB), alors que dans l'ensemble les dépenses publiques aux Pays-Bas sont supérieures à celles de la zone euro (51% du PIB en moyenne zone euro contre 51,4% du PIB aux Pays-Bas).
Allez finissons par la tribune de la Fondation Res Publica "Sans industrie solide, pas de protection sociale efficace" qui explique finalement assez logiquement que pour financer la protection sociale, il faut reconstruire une base productive en France et accompagner cette réindustrialisation par une réforme fiscale ciblée. Dans le fond, à chaque fois qu'un chômeur trouve du travail, cela baisse les dépenses de protection sociale (tchao les alloc' chômage ou le RSA) et cela augmente les recettes pour la protection sociale (allez il faut payer des cotisations sociales maintenant Monsieur). Tout bête comme raisonnement, mais dans le fond totalement vrai! Comment relancer l'industrie? Pour la Fondation, cela passe entre autre par une dépréciation de l'Euro afin d'augmenter la compétitivité des industries et favoriser les exportations. L'Euro est aujourd'hui à son niveau le plus bas depuis 16 mois (1 euro = 1,29 dollars) ; ce n'est pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde à priori.
Conclusion: Pas de réformes miracles c'est sûr, mais quelques pistes à explorer, des imperfections à corriger et des abus à éviter. Peut être que les propositions citées ci-dessus ne sont pas les bonnes (le traitement est oversimplifié et demanderait une réelle étude), mais il doit bien exister des moyens pour diminuer intelligemment les dépenses publiques.