Il y a maintenant 3 jours, vendredi 13 janvier (comme de par hasard, un vendredi 13), la France était dégradée par Standard & Poor's et perdait son fameux AAA. Apocalypse now ou non ? Le Captain' va donc vous présenter les principales conséquences de la perte du triple AAA, les effets directs que l'on a pu observer depuis vendredi et ce qu'il faut surveiller dans les semaines à venir.
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Commençons donc par l'effet le plus direct : l'impact de la dégradation sur les taux d'intérêt. La perte du AAA signifie que le risque de défaut de la France augmente; on pourrait alors penser que les taux d'intérêt ont augmenté. Et alors? Depuis vendredi, le taux auquel emprunte la France à 10 ans a augmenté de .... 0,04 points (autour de 3,04% vendredi matin contre 3,08% lundi midi)! Soit pour le moment aucun effet significatif. Le taux auquel emprunte la France actuellement est bien inférieur au taux de mi-novembre (autour de 3,7%).
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"Captain', les marchés financiers font encore n'importe quoi et il n'y a plus aucune logique"? Au contraire tout est logique! "Les marchés" avaient anticipé la dégradation et déjà intégré cela dans le taux demandé.
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C'est un peu la même chose lorsque par exemple l'INSEE publie le chiffre de la production industrielle. Si je vous dit qu'en France, la production industrielle a chuté de 10% au mois de novembre, pensez-vous que le CAC40 va augmenter, diminuer ou rester stable? Et bien il n'y a pas de bonne réponse à cette question ; cela dépend des anticipations du marché et de la manière dont l'information a été intégrée au prix. Si le consensus économique tablait sur une chute de la production industrielle de 20%, et que finalement la prod' ne baisse que de 10%, c'est "relativement aux anticipations" une bonne nouvelle et le CAC40 devrait augmenter. A l'inverse, si le marché pensait que la production allait augmenter, on devrait assister à une baisse du CAC.
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Il semble donc que la dégradation de la France ait déjà été intégrée au taux demandé par les investisseurs ; l'annonce étant conforme aux anticipations, c'est un "non-événement" sur les marchés. Il est encore un peu tôt pour se faire une idée définitive, le premier vrai test pour la France aura lieu jeudi 19 janvier, date de la prochaine émission obligataire sur le marché primaire.
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Quelques commentaires pour bien comprendre le tableau suivant. Le taux (par exemple 3% pour le BTAN 2 ans) est indicatif ; le taux auquel la France va réellement emprunter ne sera connu que jeudi. Comment est défini le taux moyen auquel la France empruntera? Tous les investisseurs qui souhaitent acquérir de la dette française indiquent avant l'adjudication quelle quantité de titres ils souhaitent et à quel prix. L'adjudication est ensuite réalisée en suivant le principe des enchères hollandaises (+ d'explications ici). Dernier commentaire, le "i" après par exemple BTANi 4 ans signifie que l'obligation est indexée sur l'inflation.
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Le Captain' vous fera donc un petit point jeudi sur l'adjudication française. Ce sera la première fois depuis 1975 que la France n'émettra pas avec son AAA. Enfin sans le AAA de Standard & Poor's, car la France est toujours AAA pour les deux autres agences de notation, Fitch et Moody's.
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Donc pour pas d'effet soudain sur les taux! Si l'on regarde l'évolution des taux demandés par les investisseurs en Allemagne et en France, on se rend bien compte que le AAA était déjà "virtuellement" perdu depuis quelques mois. La différence entre la France et l'Allemagne (le spread de taux, courbe verte) ayant explosée depuis juin 2011. La conclusion du Captain' "Tchao le triple A sous six mois", publiée dans l'article "Il y aura t-il encore de l'Euro à  Noël?" le 29 novembre, n'était pas si mal (bon c'était pas très dur non plus).
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Et le CAC40 alors? Chute ou pas? Il y a eu, au moment où la rumeur de dégradation gonflait (vendredi en début d'aprem'), une chute du CAC40 ; mais rien d'apocalyptique. Si l'on regarde l'évolution du CAC sur un mois, ce n'est pas non plus un choc énorme.
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Bon bon, on s'en fout alors de cette dégradation! Non pas vraiment ; (1) la dégradation de la France pourrait être répercutée sur la notation des collectivités locales, banques et entreprises du pays (2) certains investisseurs institutionnels vont se détourner de la dette française simplement car ils n'investissent que dans des obligations AAA (3) d'un point de vue réglementaire, il est beaucoup moins avantageux pour une banque de détenir des obligations AA+ que AAA (au niveau du refinancement à la BCE et des règles prudentielles Bâle II) et (4) cela pourrait avoir un incident sur le taux d'emprunt des pays en difficulté de la zone euro en cas de dégradation du Fonds européen de stabilité financière.
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Pour les geeks de la finance souhaitant plus d'infos sur les points (2) et (3) qui sont légèrement techniques, voir le Special Report de Natixis paru aujourd'hui "Eurozone : my Standard is Poor" (page 3). Pas d'effet immédiat à prévoir, étant donné que la France est toujours AAA pour Moody's (sûrement pas pour longtemps) et pour Fitch (qui a, au contraire, annoncé que la France ne serait PAS dégradée en 2012).
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Quelques détails pour bien comprendre le point (4). Le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) est utilisé pour emprunter sur les marchés à un faible taux (grâce surtout aux garanties apportées par l'Allemagne et la France) pour ensuite prêter de l'argent à la Grèce, au Portugal et à  l'Irlande qui ne peuvent sinon emprunter sur les marchés à un taux abordable. Si la Grèce devait passer par la voie classique, elle emprunterait à 34% annuel (= aucune chance de survivre). Le FESF, qui est financé par l'ensemble des membres de la zone euro, est pour le moment noté AAA. Mais la dégradation de la France, qui participe au financement du FESF à hauteur de 20% (deuxième contributeur derrière l'Allemagne), pourrait bien entraîner une dégradation du FESF et donc renchérir indirectement le coût d'emprunt des pays en difficulté.
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Conclusion: Il est difficile pour le moment de voir les effets de long terme de la perte de ce triple A. Sur le court terme, ce n'est pas le cataclysme annoncé. Avec son AA+, la France reste tout de même un pays où le risque de défaut est extrêmement faible. Rendez-vous jeudi après l'émission obligataire par l'Agence France Trésor pour une première idée plus précise. La prévision du Captain' -> Les taux seront quasi-stables ; la France n'a été dégradée que d'un cran et les émissions obligataires des autres pays de la zone euro ont été bonnes la semaine dernière.
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