Le PIB de la France a été publié ce matin à 7h30 par l'INSEE. Et c'est d'ailleurs une bonne nouvelle (pour une fois) ; le PIB en volume de la France a augmenté de 0,2% entre le 3ème et le 4ème trimestre de 2011. Sur l'année 2011, la croissance de la France s'élève donc à 1,7%.
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"Mais pourquoi c'est une bonne nouvelle? C'est tout de même pas terrible +0,2% sur un trimestre...". Il est vrai, mais c'est une bonne nouvelle par rapport aux prévisions des économistes des grandes banques ou organismes internationaux (= le consensus). Par exemple, si l'on regarde la prévision moyenne de 11 grandes banques mondiales, publiée par Bloomberg le 23 janvier, le consensus tablait sur une croissance négative de -0,2% pour le trimestre.Â
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Mais comment les banques font-elles leurs prévisions? Trois options: (1) la modélisation économétrique, (2) l'analyse économique et (3) la technique du doigt mouillé. La première méthode, la modélisation économétrique, consiste à mettre au point un modèle, à insérer dans une base de données de nombreuses variables (production, indice de confiance, taux de change...), et à lancer une sorte de programme informatique qui calcule automatiquement une prévision de PIB. Avantage de ce mode de calcul : rigoureux car uniquement basé sur des outils statistiques + utilise la puissance de calcul d'un ordinateur. Désavantage: en cas de mauvaises spécifications du modèle ou de l'apparition de nouveaux phénomènes, les résultats peuvent être incohérents.
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La seconde méthode, l'analyse économique, est aussi basée sur l'étude des variations de certains indicateurs mensuels, mais contrairement au modèle économétrique, cette étude est davantage faite "au feeling" (ou via un simple tableur excel pour boucler les comptes). Il faut pour cela une très bonne connaissance de l'économie du pays sur lequel les prévisions sont réalisées afin de comprendre et d'anticiper les comportements futurs des entreprises (production) et des individus (consommation) . Avantage : cela permet plus de flexibilité que le modèle économétrique et permet de prendre en compte des phénomènes nouveaux. Désavantage: moins rigoureux statistiquement et jugement parfois influencé par les prévisions des autres ou un climat d'optimisme/pessimisme ambiant.
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La dernière méthode, le "doigt mouillé" est la plus simple. Vous regardez les prévisions des autres, et vous vous alignez sur le consensus, à la rigueur montant ou en baisse de 0,1 point par rapport à la moyenne, selon la météo du moment. Avantage: vous ne risquez pas de vous faire traiter de gros nul. Désavantage: votre prévision n'apporte rien à la science, et si tout le monde fait comme vous ça va poser des problèmes.
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Concernant le chiffre publié ce matin, quel organisme ou banque a réalisé la meilleure prévision? Regardons donc les prévisions de 14 entités différentes datant de janvier 2012 (chiffre extrait via Bloomberg, site de la Banque de France, site de Natixis et site de l'OFCE).
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Oh non, personne n'a fait de "tout pile" (même prévision que la barre verte du PIB effectif) ! Les prévisions les plus proches sont celles de 4Cast, BNP Paribas, de la Banque de France (+0%) et de la Société Générale (+0,4%). Attention, il ne faut cependant pas juger de la précision d'un modèle sur une seule période ; mais le tester sur un nombre significatif de périodes.
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A partir du mois prochain, le Captain' publiera chaque mois les prévisions des grandes banques et organismes, ainsi que la prévision de son modèle de prévision "VAR-Gets" réalisé pour son mémoire de fin d'études. Rendez-vous donc le 10 Mars pour une 1ère estimation du PIB français pour le 1er trimestre 2012. Consensus Versus Captain' : Round 1.
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Conclusion: Les prévisions de PIB sont utilisées entre autre pour estimer les recettes de l'Etat dans le cadre des Projets de Loi de Finance. Il est cependant extrêmement difficile, surtout dans une période d'extreme volatilité comme celle actuelle, d'estimer avec précision la croissance à un horizon éloigné (par exemple la croissance pour l'année 2012). L'INSEE annonçait par exemple mi-décembre que la France serait en récession au 4ème trimestre 2011 et 1er trimestre 2012 (récession = 2 trimestres consécutifs de baisse de la croissance T/T) ; et bien c'est raté avec le chiffre publié ce matin. Mais bon on ne va pas se plaindre....
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