La taxation de l'héritage en France est-elle justifiée? Quels sont les arguments en faveur d'une augmentation des droits de succession? A l'inverse, pourquoi certaines personnes pensent qu'il faudrait totalement supprimer les droits de succession? Présentation du débat et des arguments des deux camps par le Captain'.
La loi TEPA (la loi en faveur du Travail, de l'Emploi et du Pouvoir d'Achat), abrogée sous le gouvernement Fillon en août 2011, a entraîné un allègement des droits de succession en France. Actuellement, le conjoint survivant ou les partenaires liés par un Pacs sont exonérés de droits de succession. Dans le cadre du Projet de Loi de Finances rectificative pour 2012 du gouvernement Ayrault, l'abattement sur les droits de succession en ligne directe (= pour les enfants et les parents) a été ramené de 159.235 euros à 100.000 euros.
Pour faire simple, si vous héritez d'un patrimoine d'une valeur inférieure à 100.000 euros, alors vous ne paierez pas de droit de succession. Dans le cas contraire, un barème progressif est applicable. Par exemple si vous héritez d'un patrimoine de 150.000 alors, alors le montant taxable après abattement sera de 50.000 euros. Vous devrez alors payer 5% sur les premiers 8.072 euros, puis 10% sur la partie comprise entre 8.072 euros et 12.109 euros, puis 15% sur la partie comprise entre 12.109 euros et 15.932 euros, et enfin 20% sur le part restante de 34.068 euros. Dans cet exemple, vous aurez donc à payer 8.194 euros de droits de succession.
En France, les 10% les plus fortunés disposent de près de 50% de l'ensemble des richesses détenues par les ménages. Jérôme Cahuzac, le ministre du budget, a annoncé que même après la baisse de l'abattement à 100.000 euros, 90% des successions resteraient exonérées. Après cette rapide présentation, passons donc au débat, en présentant tout d'abord les arguments des personnes pour une diminution, voire une suppression, de la taxation sur l'héritage.
L'héritage est basé sur un patrimoine accumulé tout au long d'une vie par une personne. Le patrimoine, par exemple une belle maison, a pu être acquis grâce aux revenus du travail ou du capital de cette personne. Hors, ces revenus sont déjà taxés du vivant de la personne, soit via l'impôt sur le revenu, soit via la CSG (Contribution Sociale Généralisée). Taxer l'héritage apparaît alors comme une double taxation, qui serait donc injuste. Cet argument est d'ailleurs aussi valable pour l'impôt sur la fortune (ISF), qui est une taxe sur un patrimoine constitué par l'accumulation de revenus qui ont déjà été taxés.
Un deuxième argument est de se dire, que d'un point de vue de l'efficacité, une taxation trop élevée de l'héritage pourrait décourager l'accumulation de richesse. Prenons par exemple la situation d'un riche entrepreneur, ayant bâti une fortune à partir de rien en créant son entreprise. Il est possible que cet entrepreneur, qui pourrait pourtant encore apporter beaucoup à son pays en continuant à développer son entreprise (et donc en créant de l'emploi), se dise finalement approchant la retraite "pourquoi continuer à faire grossir mon entreprise si c'est pour que le patrimoine que je transmettrais à mes enfants soit taxé à 40%, en sachant que je vais déjà payer beaucoup d'impôt et de taxes dessus avant ma mort". Ce genre de comportement, difficile à estimer, entraîne une baisse d'efficacité globale pour le pays. Poussée à son paroxysme, une taxation trop lourde pourrait aussi entraîner une évasion fiscale des riches patrimoines français.
Mais donc pourquoi alors taxer l'héritage? L'argument principal est celui de l'égalité des chances. En effet, dans une société prônant la méritocratie, il peut paraître illégitime qu'un enfant "rentier" reçoive en héritage des centaines de milliers d'euros sans avoir rien fait... En étant élevé dans une famille "riche", dans un environnement favorable, un enfant a déjà la possibilité d'avoir accès à une éducation de qualité et à un futur réseau professionnel important. Pourquoi alors donner à cet enfant, qui a déjà les clés en main pour réussir dans le vie, un héritage qui ne fera que creuser les inégalités entre lui et un enfant issu d'une famille pauvre, sans réseau ni patrimoine? La "richesse éducative" offerte par le milieu n'est-elle pas suffisante?
En poussant ce raisonnement à l'extrême, Ackerman et Alscott (source: The Stakeholder Society, 1999) ont proposé une dotation universelle que l'Etat attribuerait à chaque individu à sa majorité, financée par une augmentation de l'imposition sur le patrimoine. L'idée sous-jacente est tout d'abord de répartir les richesses pour davantage d'égalité, mais aussi de combattre les inégalités intra-générationnelles. En effet, contrairement à l'héritage qui profite en moyenne à des personnes âgées d'une cinquantaine d'années, ce type de mesure permettrait de combler le problème de liquidité des jeunes adultes et de répondre à une situation de sous-investissement éducatif ou professionnel. Ceci est une idée parmi d'autres, avec bien évidemment de nombreux problèmes sous-jacents (coût de la mesure, impossibilité de s'assurer de la bonne allocation de cette dotation de la part des individus...).
Conclusion: Voilà , vous avez désormais quelques clés en main pour vous forger votre propre opinion sur ce sujet. Sur ce, le Captain' vous souhaite de bonnes vacances et vous donne rendez-vous à la fin du mois pour de nouvelles aventures.