Le Captain' continue aujourd'hui le tour des nouvelles mesures proposées ou déjà adoptées par le gouvernement Ayrault. Si vous avez raté le début, c'est par ici "Le collectif budgétaire 2012: les principales mesures du gouvernement Ayrault (1/2)". Au programme aujourd'hui: le doublement de la taxe sur les transactions financières, la hausse du forfait social et la diminution du salaire du Président de la République et du Premier Ministre.
Article 6 : Doublement du taux de la taxe sur les transactions financières
Taxer les méchants spéculateurs pour remplir les caisses de l'Ãtat. Cette idée avait été mise en place sous le gouvernement Fillon, avec l'instauration il y a quelques mois d'une taxe sur les transactions financières. Il y avait en réalité deux sortes de taxes: (1) une taxe de 0,1% sur les acquisitions de titres de capital, pour simplifier sur les achats d'action d'entreprises dont le siège social est en France et dont la capitalisation boursière dépasse le milliard d'euros (= les 150 plus grandes sociétés françaises) et (2) une taxe de 0,01% pour combattre le trading haute fréquence (lire "Le Trading Haute Fréquence pour les nuls") et les achats de CDS d'un Ãtat (lire "Les Credit Default Swap pour les nuls ").
Le but d'un telle taxe est aussi d'inciter les acteurs à renouveler moins souvent leur position, c'est à dire à investir sur du plus long terme (ce qui n'est pas une mauvaise chose d'ailleurs). Pourquoi? Car si vous devez payer 0,1% à chaque transaction, vous allez éviter d'acheter et de vendre vos actions une fois par semaine. Vous allez donc privilégier un investissement de long terme, afin de minimiser le nombre de transactions.
Le gouvernement Ayrault va doubler le taux de la première taxe (sur les acquisitions de titres de capital), pour le porter à 0,2%. Mais combien cela va rapporter? Environ 170 millions de plus en 2012, et 300 millions en 2013. Le Parlement européen a lui même donné un avis positif à l'instauration d'une taxe commune sur les transactions financières dans les 27 Ãtats membres de l'Union; taxe qui pourrait selon le Parlement rapporter 57 mds d'euros par an à l'échelle de l'Union. Oui mais... Certains pays ont fait part de leur opposition totale à ce projet: le Royaume-Uni en première ligne, mais aussi la Suède, les Pays-bas ou le République Tchèque.
Le risque est donc de voir les activités de trading française partir davantage encore vers Londres, en plus de la réduction de volume liée à l'instauration d'une taxe. C'est entre autre pour éviter cela qu'il existe de nombreuses exonérations; la taxe ne concernant ni les opérations intraday, ni les activités de teneurs de marché, ni les émissions sur le marché primaire... Et la liste est longue!
Mais tant qu'aucun accord ne sera signé au niveau mondial (enfin au minimum avec Londres), l'efficacité d'une telle taxe sera limitée (pour rester gentil).
Article 27 : Hausse du forfait social
Le forfait social? Le forfait social est une contribution à la charge de l'employeur qui concerne, sauf exceptions, les éléments de rémunération qui sont exonérés de cotisations de sécurité sociale tout en étant assujettis à la CSG (définition URSSAF). Le forfait social vise à taxer l'ensemble des éléments de rémunération "hors salaire". Pour faire simple, c'est une sorte de CSG patronale, qui doit être payée sur les sommes versées au titre de l'intéressement ou de la participation, les abondements de l'employeur au plan d'épargne entreprise ou plan d'épargne retraite, les jetons de présence et rémunérations exceptionnelles...
Créé en 2009 sous la présidence de Nicolas Sarkozy avec un taux de 2%, le forfait social a augmenté entre 2009 et 2012 de 2 points par an, pour atteindre donc 8% en 2012 (2009 -> 2% ... 2010 -> 4% ... 2011 -> 6% ... 2012 -> 8%). Le gouvernement Ayrault va faire passer ce forfait social de 8% à .... 20% ! Ouch.
La raisonnement général est de se dire qu'il ne doit pas être plus intéressant pour un employeur de verser une rémunération sous forme non-salariale (intéressement, abondement...) que sous forme salariale pure (donc en augmentant le salaire). Cette hausse du forfait social devrait rapporter 550 millions d'euros de plus sur 2012, et 2,3 milliards d'euros en 2013.
"Mais pas grave pour moi, c'est simplement mon patron qui va payer plus de charge"! Euh non... Car si votre patron doit payer davantage de charge sur les sommes versées au titre de la participation et de l'intéressement, il y a de forte chance que ce soit votre rémunération non-salariale qui diminue pour compenser cela.
Ci après, la discussion à l'Assemblée concernant les propositions d'amendements de cette réforme de la part de Charles de Courson et Patrick Ollier. Raté ;)
Article 28 : Diminution du traitement du Président de la République et du Premier ministre
D'un point de vue des finances publiques, cela ne va absolument rien changer. C'est une réforme symbolique pour montrer "l'exemplarité du gouvernement". La rémunération d'un ministre est donc désormais de 9.940 ⬠(au lieu de 14.200 ⬠auparavant) et celle d'un secrétaire d'Etat de 9.443 ⬠(au lieu de 13.490 ⬠- source: Décret n° 2012-766 du 17 mai 2012 relatif au traitement des membres du Gouvernement0:
Lâ€Ã©conomie réalisée sur la rémunération du Président de la République et du Premier ministre représente 96.000 euros en 2012 et 154.000 euros en année pleine (source: Rapport Eckert, 2012). Si l'on compare cela aux 1100 mds d'euros de dépenses publiques de la France, cela représente une économie de 0,000009%. Waouh!
Après on peut toujours chipoter sur le nombre de secrétaires d'Etat et de ministres pour comparer le coût total des différents gouvernements... Le Captain' va éviter de perdre de temps dans ces débats stériles et sans intérêt. Malheureusement il faut croire que cela intéresse davantage les français que les vrais débats sur le forfait social ou la taxe sur les transactions financières, étant donné le nombre impressionnant d'articles sur le sujet (2.300 "likes" sur cet article du monde sur la "Bataille de chiffres autour de la réduction des salaires des ministres").
Conclusion: Le gouvernement Ayrault sait parfaitement comment augmenter les recettes de l'Etat en augmentant les impôts (bon ok c'est pas super compliqué). La question est désormais de voir comment réduire les dépenses publiques, ou bien plus exactement comment stabiliser les dépenses en valeur en comptant sur une hausse des recettes (inflation + croissance) afin de rééquilibrer le budget. Des mesures commencent à prendre forme en ce qui concerne les dépenses de l'Etat (norme zéro volume et zéro valeur), mais pas grand chose pour stabiliser le gouffre de la sécurité sociale et des collectivités territoriales... Pour respecter l'objectif 0% de déficit en 2016-2017 (programme de campagne François Hollande), il va pourtant bien falloir un jour ou l'autre couper dans les dépenses !