Il y a maintenant 20 ans, le 7 février 1992, était signé par 12 pays le traité de Maastricht. Acte le plus important de la construction européenne depuis le traité de Rome (1957), le traité de Maastricht avait pour but d'établir une citoyenneté européenne commune, une harmonisation de la politique étrangère et de sécurité et de mettre en place une monnaie unique. Mais avant l'instauration d'une monnaie unique, il fallait ériger des règles afin d'assurer une certaine harmonie économique entre les pays de la future zone euro : les critères de convergence.
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Une zone monétaire unique, cela signifie une seule politique monétaire et une seule banque centrale. Pour ne pas que cela soit trop l'anarchie, les pays souhaitant intégrer l'union monétaire doivent respecter 4 critères de convergence, en ce qui concerne (1) l'évolution des prix, (2) l'évolution des finances publiques (3) l'évolution des taux de change et (4) l'évolution des taux d'intérêt à long terme. Reprenons donc les 4 critères un par un, afin de voir le respect ou non de ces critères pour les 11 pays ayant rejoint la zone euro en 1999, à savoir l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal.
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Le 1er critère de convergence concerne l'inflation "un Ãtat membre a un degré de stabilité des prix durable et un taux dâ€inflation moyen, observé au cours dâ€une période dâ€un an avant lâ€examen, qui ne dépasse pas de plus de 1,5 % celui des trois Ãtats membres, au plus, présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix". Alors critère respecté ? Si oui, il faudrait donc que tous les pays aient un taux d'inflation qui soit inférieur à la moyenne arithmétique des trois pays ayant la plus faible inflation + 1,5 points.
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Alors qu'en 1992, les pays de la future zone euro connaissait des taux d'inflation très hétéroclites (de 9,4% au Portugal à 2,4% en France), les critères de convergence ont quasi-parfaitement été respectés depuis 1999, aucun pays de la zone euro ayant un taux d'inflation supérieur de 1,5 point à la moyenne arithmétique des trois plus faibles taux d'inflation. Quasi-parfaitement car l'Irlande n'a pas chaque année respecté les critères, mais pour généraliser, il n'y a pas eu de problème de disparité du taux d'inflation entre les pays de la zone.
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Mais en quoi cela pose t-il problème si un pays par exemple aune inflation de +4% alors qu'un autre pays de la zone est en déflation de -2%? Car dans ce cas, le pays A aurait besoin d'une politique monétaire plutôt restrictive (hausse des taux d'intérêt), afin de combattre l'inflation, alors que le pays B aurait besoin d'une politique monétaire expansive (baisse des taux d'intérêt) pour relancer la croissance et stopper la déflation. Mais étant donné qu'il y a une seule banque centrale, c'est totalement impossible ! Une intervention améliorerait la situation d'un pays mais dégraderait mécaniquement celle de l'autre.
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Sur la maîtrise et la convergence de l'inflation, pas de problème. C'est même une belle réussite! Passons désormais aux critères de convergence en ce qui concerne les finances publiques. Vous vous en doutez bien, cela va être beaucoup moins drôle d'un coup. Selon les critères de convergence, les pays de la zone doivent tous avoir un niveau de dette inférieure à 60% du PIB et un déficit public max de 3%. Alors faisons la même chose qu'avec l'inflation, regardons les niveaux de dette et de déficit en 1992, 1999 et 2011 des onze pays fondateurs. Pour les Pays-Bas et le Luxembourg, les données de 1992 n'étant pas disponibles, les chiffres correspondent à ceux de 1995.
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Si l'on trace un trait au niveau maximum de 60% du PIB, alors qu'en 1999, seulement deux pays avaient une dette sensiblement supérieure à ce niveau (Belgique et Italie) et quatre pays juste au dessus (Autriche, Allemagne, Pays-Bas et Espagne), il y a désormais seulement la Finlande et le Luxembourg qui ont une dette inférieure à 60% du PIB. Le Captain' est sympa et n'inclue pas la Grèce (qui a rejoint l'euro en 2001), dont la dette s'élève à 160% du PIB!  Bon pour la dette, bel échec des critères de convergence. Passons donc au déficit public. Selon les critères de convergence, le déficit doit-être au maximum de 3% du PIB.
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En 1999, tous les pays de la future zone euro avaient un déficit inférieur à 3% du PIB. En 2011, il n'en reste plus que trois, l'Allemagne, la Finlande et le Luxembourg. Le Captain' est bien d'accord qu'il y a un effet dû à la crise, mais si l'on regarde par exemple la situation en 2004, donc bien avant la crise, 4 pays n'avaient pas respecté leurs engagements cette année en matière de déficit public, et pas les moindres: la France (-3,6%), l'Allemagne (-3,8%), l'Italie (-3,6%) et l'Autriche (-4,6%). Un bien bel exemple de la part des trois plus gros pays de la zone euro...
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Dernier point, l'évolution des taux d'intérêt de long terme. La justification de cela est de dire qu'au sein d'une même zone monétaire, les différents pays doivent pouvoir s'endetter en payant un taux d'intérêt relativement similaire. Je cite la BCE pour l'exacte définition du critère "un Ãtat membre a eu un taux dâ€intérêt nominal moyen à long terme qui nâ€excède pas de plus de 2 % celui des trois Ãtats membres, au plus, présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix". Les données ne sont disponibles qu'à partir de 1993 sur le site de la Banque Centrale Européenne (avec ajustement pour le Luxembourg et le Portugal).
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On a tendance à l'oublier, mais en 1999, tous les pays de la zone euro empruntaient quasiment au même taux, avec un minimum de 3,7% pour l'Allemagne et un maximum de 3,92% pour l'Italie. Le risque de défaut de tous ces pays était considéré comme nul, aucune raison donc pour les investisseurs de demander une prime pour la détention d'obligations souveraines italiennes ou portugaises. Avec la crise de la dette, les choses ont bien changées et le critères de convergence des taux d'intérêt est totalement obsolète. L'Allemagne emprunte en effet en ce moment à 1,93% pour une maturité de 10 ans, tandis que l'Italie doit payer 6,83% pour cette même maturité (chiffre de décembre 2011). Le dernier critère de convergence concernait la non-dévaluation du taux de change avant l'entrée dans la zone euro, mais rien de bien passionnant à dire là dessus, aucun pays ayant dévalué avant 1999.Â
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Pour résumer: Harmonisation de l'inflation : réussite.  Niveau maximum de déficit et dette : échec flagrant, entraînant l'échec de l'autre critère de convergence sur le niveau des taux longs. Petite dernière remarque intéressante: si l'on regarde le graphique juste au dessus en ce qui concerne le niveau des taux d'intérêt en 1993, 4 pays sur 11 empruntaient à l'époque à un taux supérieur à 8%, à savoir la Finlande, l'Espagne, le Portugal et l'Italie. Si on remplace la Finlande par la Grèce, et on retombe sur nos PIIGS (Portugal Italy Ireland Greece and Spain), les 5 pays en difficulté actuellement de la zone euro.
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Conclusion: Les critères de convergence de Maastricht, ont amené à une harmonisation entre 1992 et 1999 dans les pays de la zone euro. Mais une fois entrés dans l'euro, de fortes divergences se sont recréées entre les pays. A commencer par l'Allemagne et la France en 2002, les critères de convergence en ce qui concerne les finances publiques ont très rapidement été oubliés. Ce non-respect des critères de convergence et le manque de réelles stratégies économique s ou politiques globales ont participé à la crise de la dette actuelle. C'est en effet bien beau d'imposer des règles ! Mais sans arbitre et sans réelles sanctions, le sympathique jeu du début devient rapidement chaotique.Â
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