En France, à partir du seuil de 50 salariés, les entreprises sont dans l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise. Vous avez 49 salariés -> pas besoin de comité d'entreprise ; vous voulez embaucher une personne supplémentaire, vous allez devoir créer un comité d'entreprise (qui représente un coût non négligeable pour l'entreprise). Résultat: vous réfléchissez à deux fois avant d'embaucher cette 50ème personne.
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L'INSEE a réalisé une superbe étude sur ce sujet "Lâ€impact des seuils de 10, 20 et 50 salariés sur la taille des entreprises françaises". Les donnés fiscales permettent de connaître le nombre exact de salariés et voir ainsi si il y a une réelle rupture autour du seuil de 50 salariés. Alors alors? La réponse en image.
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Au niveau des effectifs, la rupture au seuil du 50ème salarié est claire. Tandis qu'il y a environ 1500 entreprises de 48 salariés et 1600 entreprises de 49 salariés, le nombre d'entreprises de 50 salariés chute totalement (environ 600). Même rupture si l'on regarde la probabilité de croître en fonction de la taille de l'entreprise (ci-dessous). Tandis que, selon les données fiscales (FICUS), les entreprises comptant entre 25 et 47 salariés ont une probabilité de croitre d'une année sur l'autre quasi-similaire (autour de 40%), cette probabilité chute anormalement à l'approche du seuil de 50 salariés. Par exemple pour une entreprise de 49 salariés, la probabilité de croitre est de moins de 30%.
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On entend souvent dire que l'une des forces de l'Allemagne est l'omniprésence de "moyennes et grosses PME" (50 à 249 salariés) : des PME fortes, innovantes et tournées vers l'international. Qu'en est t-il dans la réalité? Pour cela, regardons la répartition des entreprises selon le nombre de salariés dans les pays de la zone Euro (source Eurostat). L'organisme Eurostat publie chaque année un rapport sur les PME en Europe, le dernier en date "Key figures on European business - with a special feature on SMEs". Le Captain' se permet de reprendre un tableau de cette étude en le simplifiant, qui montre la répartition des entreprises en Europe selon le nombre de salariés.
** Le nombre d'entreprises est exprimé est milliers **
Cool ce tableau, mais comment on le lit? La ligne 1 se lit de la manière suivante. Dans l'Union Européenne en 2009, il y avait un total de près de 21 millions d'entreprises en 2008, en énorme majorité (92%) des micro-entreprises (=entre 0 et 10 salariés selon la classification Eurostat). 6,7% des entreprises comptent entre 10 à 49 salariés, 1,1% entre 50 à 249 salariés et 0,2% des entreprises en U.E comptent plus de 250 salarés. On remarque que l'Allemagne se détache du lot, avec un nombre de micro-entreprises bien plus faible que dans les autres pays de l'Europe, et un nombre de petites et moyennes entreprises bien plus important.
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Et la France dans cette histoire? Eurostat ne publie pas cette donnée pour la France (pourquoi? aucune idée..), mais on peut avoir une idée de la situation en regardant la statistique de l'INSEE "Entreprises selon le nombre de salariés et l'activité". Pour ne pas biaiser trop l'étude avec l'instauration du régime de l'auto-entrepreneur en France (qui a entraîné une explosion des entreprises de 0 salarié), le Captain va regarder la situation au début de l'année 2008. Les chiffres Eurostat exposés dans le tableau sont de 2008 donc tout est cohérent.
La classification n'est pas exactement la même, mais après quelques calculs niveau brevet des collèges, on obtient le répartition suivante en France. La France est quasi-parfaitement dans la moyenne de l'Union Européenne. Il y avait en France au 1er janvier 2008 environ 3 millions d'entreprises, dont 2,8 millions d'entreprises de moins de 10 salariés (93,3% du total).
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** Le nombre d'entreprises est exprimé est milliers **
"Mais où tu veux en venir Captain? Quel est le lien avec l'effet seuil présenté au début?". Le Captain' écoute tous les matins "Les experts" sur BFM Business, et dans cette émission l'effet du seuil de 50 employés en France est souvent présenté comme l'une des causes du faible nombre de "moyennes entreprises" en France. Il y a un effet c'est vrai, mais cela semble quasi-négligeable et ne peut expliquer la différence entre l'Allemagne et la France. C'est d'ailleurs, à la vision des chiffres, l'Allemagne qui est l'exception plutôt que la France le "retardataire".
L'INSEE a d'ailleurs réalisé une étude sur l'impact des effets de seuils ; pour simplifier "quelle serait la nouvelle répartition des entreprises en France s'il n'y avait pas de seuils" (=aucune obligation de créer un comité d'entreprises à partir du 50ème salarié). La conclusion de l'INSEE est la suivante:
"Ces effets sont statistiquement significatifs, mais leur ordre de grandeur est faible au regard des écarts entre la France et ses partenaires. Par exemple, selon les données de lâ€OCDE pour lâ€année 2006, la proportion dâ€entreprises  de plus de 50 salariés parmi celles de 10 à 249 salariés est de 14 % en France contre 18 % en Allemagne. Sur cet écart de 4 points, les  effets de seuil ne  pourraient expliquer quâ€au  plus 0,3 point. Ces résultats relativisent lâ€importance des effets de seuil sur la répartition des entreprises françaises, dâ€autant plus fortement quâ€ils sâ€appuient sur la source où ces effets sont les plus apparents." (si vous êtes un geek, la méthode statistique est expliquée dans le 1er lien en intro)
Conclusion : Les effets de seuil ne sont pas LES responsables de la faible taille des entreprises en France. Le Captain' mise davantage sur des questions structurelles (compétitivité, syndicat...) et de mentalité des entreprises (goût d'entreprendre, entreprises tournées vers l'international...). Cela ne veut cependant pas dire qu'il faut laisser les seuils tel quel en France ; un écart de 0,3 point c'est peut être faible, mais s'il est possible de le corriger ça se prend sans hésitation.