Le PIB, ou Produit Intérieur Brut, mesure la valeur de marché de lâensemble des biens et services finaux produits par un pays (à l'intérieur des frontières) sur une période donnée. Par exemple, si une entreprise japonaise produit une voiture en France, alors cela rentre dans le calcul du PIB de la France et non pas dans le calcul du PIB japonais. Le PNB, ou Produit National Brut, mesure valeur des biens et services finaux produits par lâensemble des ressortissants dâun pays. Pour calculer le PNB, on ajoute au PIB la somme des revenus des facteurs en provenance du reste du monde, et on retranche la somme des revenus des facteurs de production versés au reste du monde. Par exemple, les dividendes versés par le constructeur automobile japonais installé en France à sa maison mère à Tokyo seront comptabilisés dans le PNB japonais. Voilà donc pour la théorie ! Pour une très grande majorité des pays dans le monde, il n'existe que très peu de différence entre le PIB et le PNB ; on n'entend d'ailleurs quasiment plus parler du PNB depuis pas mal d'années (essayez de trouver un chiffre ou une étude de l'INSEE utilisant le PNB, et vous verrez de vous même). Mais l'étude du ratio PNB / PIB et de son évolution a tout de même un intérêt, principalement pour les pays où le PIB et le PNB ont eu tendance à diverger depuis quelques années, comme en Irlande ou ... au Timor-Oriental.
Si vous cherchez des données sur l'évolution du ratio PNB sur PIB, direction le "Center for International Comparisons" de l'Université de Pennsylvanie (source : "Penn World Table"). Hop une requête dans la base, un copier-coller dans Excel, et vous êtes prêt à analyser le ratio et l'évolution du PIB et du PNB pour une liste de 190 pays dans le monde. Et cela doit vous donner quelque chose comme cela.
Comme on peut le voir sur ce graphique, pour plus de 80% des 190 pays de la base de données "Penn World Table", le ratio entre PNB et PIB se situe entre 95% et 105%, ce qui signifie que pour tout ces pays, l'écart entre le PIB et le PNB est au maximum de plus ou moins 5%. Mais un pays a décidé de se la jouer en solo : le Timor-Leste (Timor Oriental). Dans ce petit pays indépendant depuis 2002, le PNB est 3,62 fois supérieur au PIB (ratio de 361,95) ! Mais comment peut-on expliquer cela ?
Comme expliqué précédemment, la différence entre PIB et PNB provient des revenus nets des facteurs de production. En moyenne, un pays aura tendance à avoir un PIB plus fort que son PNB (donc un ratio inférieur à 100) (1) s'il y a davantage de travailleurs étrangers dans le pays que de travailleurs nationaux à l'étranger et (2) s'il y a davantage d'entreprises étrangères installées sur le territoire national que d'entreprises nationales installées à l'étranger. C'est un peu plus complexe que cela en réalité, car il ne faut pas compter en nombre mais en valeur et en transfert, mais cela donne tout de même une grande idée.
En ce qui concerne le Timor-Oriental, cette différence entre PNB et PIB provient des nombreuses aides internationales reçues par la petite île du Pacifique suite à son indépendance ; ces aides étant considérées comme des revenus nets en provenance de l'étranger, cela rentre donc dans le PNB mais pas dans le PIB (source "UNDP - Human Development Report 2010")
"Some of the income residents earn is sent abroad, some residents receive international remittances and some countries receive sizeable aid flows. For example, because of large remittances from abroad, GNI in the Philippines greatly exceeds GDP, and because of international aid, Timor-Lesteâ€s GNI is many times domestic output."
Il est aussi intéressant de regarder l'évolution de ce ratio PNB sur PIB, afin d'identifier les mutations d'une économie (et potentiellement ses faiblesses). Si l'on supprime le Timor-Oriental du graphique ci-dessous, cela nous donne maintenant cela :
En rouge sur le graphique ci-dessous, on peut voir apparaître l'Irlande au milieu d'un tas de pays comprenant le Gabon, le Kazakhstan, l'Islande, le Libéria et la République plus ou moins Démocratique du Congo. Si l'on s'intéresse à l'évolution de ce ratio, on peut voir sur le graphique ci-dessous que ce ratio était relativement stable entre 1985 et 1996 (autour de 94%), avant de plonger fortement entre 1996 et 2002 pour se rapprocher du ratio actuel proche de 83%.
Comment expliquer ce phénomène dans le cas de l'Irlande ? Sans vouloir trop simplifier la réalité, il faut se souvenir que l'Irlande faisait partie des 11 pays créateurs de la zone euro en 1999. Au revoir le risque de change, welcome la stabilité d'une monnaie européenne et l'ouverture d'un nouveau marché. Et dans cette nouvelle zone euro, l'Irlande avait (et a toujours) un avantage énorme : le taux de taxe sur les entreprises le plus faible d'Europe (source du graphique ci-dessous : ZeroHedge) ! Au passage, on remarque que juste après l'Irlande se trouve l'Islande, qui fait aussi partie des pays avec un ratio PNB sur PIB très bas.
Cette concurrence fiscale (qui est au passage une mauvaise chose dans une même zone monétaire) a permis à l'Irlande d'attirer de très nombreuses entreprises étrangères ; entreprises qui ont d'ailleurs parfois uniquement un siège social en Irlande et qui utilisent diverses techniques d'optimisation afin de payer le minimum de taxes avant de rapatrier les revenus à la maison mère à l'étranger. Dans cette situation, on comprend bien pourquoi le PIB irlandais est bien supérieur à son PNB ; lorsque Apple utilise sa filiale irlandaise pour optimiser son résultat, les activités d'Apple sont comptabilisées dans le PIB irlandais alors que cela ne rentre pas dans le calcul du PNB irlandais.
Conclusion : Le PIB, indicateur utilisé pour calculer la croissance d'un pays et Graal des politiciens, a donc tendance a être biaisé pour les pays attirant des entreprises étrangères grâce à une taxation sur les entreprises ultra-favorables alors qu'en réalité il n'existe quasi-aucune activité réelle dans le pays (siège social pour optimisation fiscale). L'évolution du ratio PNB sur PIB en Irlande permet de confirmer le rôle de l'Irlande de "mini paradis fiscal" au sein de la zone euro (bien qu'il y ait eu des changements cette année, l'Irlande ayant annoncé une plus forte taxation des grands groupes après quelques scandales), et les problèmes que peuvent poser cette concurrence fiscale "vers le bas" en Europe.