Hier, le Captain' a reçu un mail d'un lecteur concernant la crédibilité des propos d'un journaliste économique nommé Pierre Jovanovic. Comme cela fait la troisième fois que l'on me pose des questions sur cette personne en deux mois, je vais donc prendre le temps de vous faire découvrir ou redécouvrir les idées de Pierre Jovanovic, avant d'analyser de manière critique son discours.
Mais qui est Pierre Jovanovic ? Pierre Jovanovic est un journaliste et écrivain français d'origne serbe (Wikipédia est mon ami), auteur de nombreux livres sur la religion ET sur la finance. Ãtrange mix à première vue, mais bon pourquoi pas ! Il est même possible de parler des deux sujets en un seul livre, comme l'a fait Pierre Jovanovic avec le livre "777 - La chute du Vatican et de Wall Street selon saint Jean". Il est aussi le créateur du blog http://www.jovanovic.com/ et co-animateur sur la radio associative "Radio Ici et Maintenant" d'une revue de presse assez virulente sur la situation économique mondiale.
Un des avantages d'être bloggeur "micro-influent" est de recevoir gratuitement pas mal de livres directement chez soi via les maisons d'édition. Le Captain' a donc dans sa "petite bibliothèque qui s'agrandit tous les jours" le nouvel ouvrage de Pierre Jovanovic : "Blythe Masters". Commençons donc par une critique de ce livre, que j'ai lu il y a quelques mois.
Blythe Masters, une banquière de JP Morgan à l'origine de la création des Credit Default Swap, y est décrit comme la femme la plus puissante vivant sur cette planète aujourd'hui. Les titres des chapitres sont plus kitchs les uns que les autres, du style "Comment Blythe Levett est devenue Master of the Universe" ou bien encore "Blythe Masters ou la nouvelle Eve". C'est un peu ce que je déteste dans ce genre de livre: beaucoup d'informations sont exactes, mais le flou entourant certaines explications et l'exagération constante décrédibilise le bien-fondé de certaines critiques. Mais surtout, et c'est plus grave, il est assez facile d'influencer un non-spécialiste en économie pour lui faire croire au mythe "les banquiers tous des voleurs / la finance tous des pourris / les politiques tous des cons".
Comme je le répète, certaines de ses idées sont bonnes (oui il faut réguler certains aspects de la finance, oui il y a eu d'énormes abus révélés par la crise, oui il faut que les banques soient au service de l'économie réelle), mais les situations dénoncées par M. Jovanovic de façon simplifiée et sous un seul point de vue sont bien plus complexes en réalité. Par exemple, dans la vidéo ci-dessous, Pierre Jovanovic sur "Radio Ici et Maintenant" dénonce le fait que la Fed utilise la planche à billets via un Quantitative Easing 3 alors que la BCE ne le fait pas.
Lorsqu'il parle en quelques secondes du Outright Monetary Transaction, que le Captain' vous avait présenté dans l'article "Rachat de dette: la BCE envoie l'artillerie lourde !", Pierre Jovanovic dit, je cite "Mario Draghi a décidé d'endetter les européens à l'infini, en décidant d'acheter les bons du trésor de tous les pays défaillants (Espagne, Portugal...). Et bien vous remarquez que l'Europe, c'est à dire nous, nous allons payer avec du vrai argent. C'est à dire votre travail, parce que la BCE n'a pas le droit à la planche à billets ! Tandis que les anglo-saxons utilisent sans vergogne la photocopieuse".
Cette phrase comporte de nombreuses simplifications dans le but d'influencer l'auditeur et des exagérations pour faire du buzz. Bref, c'est tout sauf objectif, bien que le fond ne soit pas totalement faux (enfin c'est loin d'être totalement vrai aussi) ! Ce n'est pas évident d'expliquer clairement le programme de rachat de dette, mais il serait plus intéressant d'expliquer que ce programme concerne des dettes courtes maturités, que les interventions seront stérilisées, que cela est conditionné à des réformes structurelles, que la BCE interviendra seulement sur le marché secondaire... et toutes les implications que cela peut avoir. C'est le rôle des économistes (au passage Pierre Jovanovic n'a aucune formation en économie) de présenter clairement et de façon objective les avantages, les risques et les différents mécanismes de transmission et scénarios possibles de ce type d'intervention.
Là , on a l'impression que la BCE donne notre argent aux pays en difficultés (faux, ce sont des "prêts" conditionnés à des réformes) et qu'il serait beaucoup plus simple d'imprimer des billets plutôt que de prendre l'argent de notre travail (faux, parlez avec quelques allemands des effets potentiels de l'utilisation à outrance de la planche à billets et vous aurez votre réponse).
On parle de plus en plus d'économie à la télé, à la radio, dans les journaux... Mais c'est justement l'occasion idéale pour ne pas tomber dans la pure démagogie, en gardant un regard objectif et apolitique. C'est d'ailleurs l'objectif même de ce blog ! Alors le Captain' rigole bien lorsqu'il entend M. Jovanovic dire "Pas un seul pseudo-économiste européen pour hurler littéralement au scandale. C'est un vrai souci. C'est normal puisque nos médias et nos politiques ont tous été mis en esclavage".
Conclusion: N'hésitez pas à me contacter par mail si vous vous posez des questions sur la véracité ou la crédibilité d'un article, d'un journaliste ou d'une proposition. "Un mec me semble plutôt crédible, et je voulais avoir ton avis sur lui: un certain journaliste économique Pierre Jovanovic. Je l'ai découvert sur Radio Ici Maintenant, et je dois avouer qu'il semble très alarmiste dans ses propos, notamment sur l'imminence d'une crise sans précédent". Voilà Béranger, tu as donc ta réponse. Attention: je ne dis pas que tout ce que raconte Pierre Jovanovic est faux, loin de là . Concernant le risque de crise bancaire, il existe par exemple un risque réel de voir de nouvelles faillites bancaires, même en France. Mais il faut simplement prendre du recul, sans tomber dans la panique pure (qui d'ailleurs aurait un effet auto-réalisateur en cas de "bank run") mais sans excès de confiance non plus (diversifier vos placements ne semble pas une mauvaise idée par exemple).