En 1993, l'Argentine de Batistuta remportait la Copa America de football. 8 ans après, en 2001, l'Argentine faisait défaut sur sa dette et dévaluait sa monnaie. En 2004, la Grèce de Charisteas remportait l'Euro de football, et 8 ans plus tard, en 2012... Oh non! La victoire des grecques en 2004 n'était donc pas un hold-up parfait, mais un simple signe du destin?
Après avoir lu un article paru hier dans Libé (sur les conseils de Manu, #Thx), où l'ancien ministre de l'Economie argentin compare la situation en 2001 en Argentine avec la situation actuelle en Grèce, le Captain' va essayer de vous montrer les ressemblances entre la crise argentine et la crise grecque, mais aussi de voir pourquoi la Grèce n'est pas l'Argentine. Dans cet article intitulé "Nous avons sauvé les gens plutôt que les banques", Roberto Lavagna (l'ancien ministre en question) fait le parallèle entre la crise argentine et la crise grecque, en expliquant "qu'au plan économique, tout est semblable", à savoir (1) un manque de compétitivité dû à un taux de change fixe, (2) un pays en récession depuis 4 ans et (3) un déficit public énorme et une dette insoutenable.
Après avoir mis en place sept plans d'austérité entre 1998 et 2001, comme recommandé par le FMI (gel des salaires, hausses des taxes, coupes budgétaires...), l'Argentine a décidé fin 2001 / début 2002 de "sortir de la crise en dehors des chemins tracés par le FMI". En faisant défaut sur sa dette et en se coupant de tout financement sur les marchés internationaux depuis 10 ans, l'Argentine a certes souffert en 2001 et 2002, mais affiche depuis un taux de croissance impressionnant, en moyenne de 7,5% par an depuis 2003.
En Grèce, les plans d'austérités mis en place par le gouvernement grec depuis 2010, sous les recommandations de la troïka (UE, FMI, BCE), ne semblent pas porter leurs fruits (= euphémisme) : le déficit en 2011 s'élève à plus de 9% du PIB et la dette atteint un niveau record. La semaine dernière, le chiffre de la croissance grecque pour l'année 2011 a été publié: récession record de 6,8% sur l'année! Alors pourquoi la Grèce ne devrait pas elle aussi faire défaut, sortir de l'Euro et dévaluer sa monnaie, pour tenter de relancer le pays en se passant de financements extérieurs pendant quelques années?
C'est une solution qu'il ne faut pas écarter totalement. Si l'on regarde d'un point de vue mondial/européen, cela aura un impact ultra-négatif sur les autres pays de la zone (principe de contagion) et pourrait entraîner des pays comme le Portugal dans la chute. A moyen terme, la sortie de la zone euro de la Grèce pourrait être synonyme tout simplement d'éclatement de la zone euro en donnant l'idée à d'autres membres de suivre le même chemin en cas de crise! Mais pour les grecs, et sans penser aux autres, une sortie de la zone permettrait-elle de relancer le pays et d'améliorer le bien-être de la population?
Le problème est que la Grèce n'est pas l'Argentine. L'Argentine est rapidement sortie de la crise grâce à une balance courante positive, principalement due au fait de l'augmentation considérable du prix des matières premières agricoles depuis 2002 et à la dévaluation du peso (l'agriculture représente environ 50% des exportations argentines). La balance courante recense l'ensemble des flux de biens et services (exportations moins importations), des transferts (aides et transferts reçus moins aides et transferts versés) et des revenus (intérêts et revenus tirés des investissement à l'étranger moins intérêts et revenus versés aux étrangers ayant investi dans le pays). Cette balance positive courante positive, associée à un déficit public très faible depuis 2003 (autour de 2% du PIB en moyenne), a fait que l'Argentine n'avait pas un besoin vital de financement sur les marchés étrangers.
En Grèce, l'état actuel de la balance courante est bien plus mauvais qu'en Argentine en 2000/2001. En cas de sortie de l'euro et de dévaluation du "nouveau drachme", cela relancerait les exportations et améliorerait la balance courante il est vrai; mais le Captain' n'est pas sûr que cela soit suffisant (exporter des services type tourisme/transport comme en Grèce en période de marasme économique, c'est moins évident que d'exporter des matières premières en période de boost des cours comme l'Argentine à partir de 2003).
Dernier point de comparaison : le déficit public de l'Argentine et de la Grèce. Hormis en 2002, lorsque le gourvernement argentin a choisi de relancer le pays avec une forte hausse des dépenses publiques, les finances publiques argentines n'étaient pas trop mauvaises (déficit autour de 3% du PIB en moyenne avant 2001). En Grèce, le déficit public est totalement hors de contrôle, en moyenne de 8% du PIB depuis 2001 !! Hmm, il y avait pas quelque part dans les accords de Maastricht une clause comme quoi les pays de la zone euro ne devait pas avoir un déficit supérieur à 3% du PIB ?? Ah non je dois me tromper (ou pas)
Conclusion: La situation actuelle en Grèce est relativement semblable en surface à la situation argentine de 2001 : plans d'austérité du FMI inefficaces, gronde populaire, problème de compétitivité... Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'en adoptant le même schéma de sortie de crise (défaut sur dette / dévaluation), la Grèce puisse s'en sortir aussi bien que l'Argentine. Le choix de l'Argentine n'a pas été non plus sans incidence sur la population du pays : demandez aux épargnant ayant vus leurs comptes bancaires en dollars convertit en peso avec l'interdiction de retirer leur argent, une inflation énorme et une monnaie dévalués si la crise n'a pas eu d'impact sur leur pouvoir d'achat... Mais bon le Captain' n'est pas non plus convaincu (euphémisme bis) par les plans d'austérité à répétition imposés à la Grèce. La solution? J'aimerais bien vous proposer une solution miracle, mais je n'ai malheureusement pas ça en stock. Si vous en avez, à vos commentaires ou bien en ligne direct à christine.lagarde@fmi.org