Alors que le nouveau gouvernement a abrogé après les élections la création de la TVA sociale proposée par le gouvernement Sarkozy, une rumeur grandissante fait état d'une possible augmentation de la CSG (Contribution Sociale Généralisée), afin de financer la protection sociale tout en faisant baisser le coût du travail.
En janvier dernier, le Captain' vous avait expliqué ce qu'était la TVA sociale (lire "La TVA sociale : c'est quoi en fait ?"). Le principe de cette réforme était assez simple: augmenter la TVA "taux plein" de 1,6 point (19,6% à 21,2%), afin de baisser les charges patronales, et donc le coût du travail. Pour faire face au même problème du "coût du travail", le gouvernement actuel semble se tourner vers une hausse de la CSG. Mais quelles sont les différences entre une augmentation de la TVA et de la CSG?
Fraîchement élu et avec l'Assemblée en renfort, le gouvernement Ayrault commence à évoquer les réformes impopulaires. Prenons l'exemple de la TVA sociale. Lors de sa campagne, François Hollande avait annoncé que s'il était élu, la hausse de la TVA pour baisser les charges patronales serait abrogée. Résultat: certaines personnes ayant peur de voir une baisse de leur pouvoir d'achat via la hausse de la TVA ont sûrement dû voter pour François Hollande. Deux mois plus tard, une hausse de la CSG pour diminuer le coût du travail devrait voir le jour ; hausse qui n'était d'ailleurs évoqué nulle part dans le programme de campagne de François Hollande et dont les implications sont assez proches d'une hausse de la TVA.
Le Captain' ne critique pas foncièrement la réforme, mais encore une fois les petites combines électorales, à gauche comme à droite. Petit coup de gueule mis à part, venons en à la réforme. Afin de diminuer le coût du travail, il faut soit (1) diminuer les dépenses des administrations publiques, afin de diminuer dans un second temps les impôts et/ou cotisations ou (2) augmenter un impôt ou une cotisation pour en diminuer un autre, à savoir ici les charges patronales.
La première solution est celle conseillée par la Cours des Comptes, qui préconise une réduction drastique des dépenses publiques. Mais sur le court terme et en période de récession, ce n'est pas forcément la chose la plus simple à faire. Donc, et bien que des efforts semblent être fait dans cette direction (gel des dépenses publiques en valeur, collectivités territoriales incluses), c'est la seconde option qui a été choisie par le gouvernement pour diminuer sur le court terme le coût du travail. Mais pourquoi la CSG plutôt que la TVA?
Première raison: être en opposition avec la proposition de Nicolas Sarkozy. Deuxième raison: le principe de "justice sociale". Et là cela devient discutable... La TVA est l'impôt rapportant le plus à l'Etat ; selon le Projet de Loi de Finance 2012, la TVA devrait rapporter la modique somme de 136,6 mds d'euros en 2012 (source ici). C'est un impôt qui touche tout le monde au même niveau; il n'est pas progressif comme l'impôt sur le revenu. C'est à dire que lorqu'il y a une hausse de la TVA, les plus pauvres sont davantage touchés que les plus riches, car les plus pauvres dépensent une partie de leur revenu disponible plus importante que les riches. On dit qu'ils ont une "propensité marginale à consommer" plus importante (ou bien la même chose, qu'ils ont une "propensité marginale à épargner" plus faibel).
Mais associée à une baisse des charges patronales, la hausse de prix suite à une hausse de la TVA est difficile à prévoir. En effet, dans le monde des bisounours, les entreprises ayant moins de charges peuvent alors baisser leurs prix hors taxe, et donc même avec la hausse de la TVA, le prix final pour le consommateur resterait le même. De plus, les entreprises étrangères vendant des produits en France seraient directement touchées par cette hausse de la TVA, sans bénéficier de la réduction des charges patronales (car réservée aux entreprises produisant en France). C'est pour cela que la TVA sociale était aussi appelée "TVA anti-délocalisation".
Et en quoi la CSG serait mieux que la TVA? Toujours selon le Projet de Loi de Finance 2012, la CSG devrait rapporter en 2012 environ 72,4 mds d'euros. La CSG est une cotisation prélevée à la source sur les salaires, les revenus du capital, les primes, les indemnités... En gros, cela touche l'ensemble des revenus des français! Une hausse de la CSG entraînerait donc une baisse du salaire net directement sur la fiche de paie. Selon certaines rumeurs, la hausse pourrait être de 2 à 4 points ! En sachant qu'un point de CSG rapporte à l'Etat environ 10 mds d'euros, la hausse de la CSG pourrait rapporter entre 20 et 40 mds d'euros, dont une partie serait transférée pour baisser les charges patronales (le reste sûrement pour réduire le déficit). Pour comparaison, une hausse de 1,6 point de TVA "taux plein" aurait dû rapporter environ 10,6 mds d'euros (transférer vers une baisse des cotisations patronales).
Ãtant donné qu'il existe différents taux de TVA selon le type de revenus (revenus d'activité / revenu du capital / pensions de retraite / allocations chômages), une hausse de la CSG laisse aussi davantage de marge de manoeuvre au gouvernement, pour faire porter le financement de la baisse du coût du travail sur une partie seulement de la population (par exemple en épargnant les retraités en augmentant uniquement la CSG sur les revenus d'activité ou du capital).
Conclusion: Même si l'on peut rêver d'assister à une baisse des prix via la baisse du coût du travail, la hausse de la CSG aura pour effet de diminuer le pouvoir d'achat des français. Le choix du gouvernement d'une "CSG sociale" plutôt que d'une "TVA sociale" est surtout motivée par (1) un rejet de la politique du gouvernement Sarkozy et (2) par un choix différent sur "qui va payer la facture". Mais tant que la facture restera la même, c'est à dire tant que les dépenses publiques resteront trop élevées, alors le problème ne sera pas résolu mais simplement repoussé.