Même si Nicolas Sarkozy refuse l'appellation de "TVA sociale", la réforme annoncée hier en a tout l'air. Lors de son discours, suivi par 16,5 millions de français, le président a annoncé une augmentation de la TVA à taux normal de 19,6% à 21,2%, dont les recettes serviront à financer une baisse des cotisations patronales. Les détails de cette réforme par le Captain'...
Pour commencer, si vous ne savez pas ce qu'est la TVA sociale, le Captain s'auto-promeut et vous conseille l'article "La TVA sociale, c'est quoi?". Alors que la rumeur enflait depuis quelques temps sur la quasi-certitude de la mise en place d'une "TVA sociale", le débat portait principalement sur trois questions: (1) de combien de points la TVA sera t-elle relevée, (2) cela servira t-il à baisser les cotisations patronales ET salariales ou seulement les cotisations patronales et (3) la mesure sera t-elle équilibrée (ce qui signifie sans impact sur le déficit) ou bien devra t-elle être combinée à une autre augmentation des recettes?
Alors commençons par la réforme. La TVA va donc augmenter en octobre prochain de 1,6 point, ce qui devrait donc rapporter environ 10,4 mds à l'Etat. Comment en arrive t-on à ce chiffrage? Selon le gouvernement, avant cette annonce, "la prévision des recettes de TVA nette sâ€Ã©lève à 136,6 Md⬠en 2012, décomposés en 186,4 Md⬠de TVA brute et 49,8 Md⬠de remboursements de crédits de TVA." (source: PLF 2012). On pourrait alors se dire que d'augmenter la TVA de 8% devrait entraîner une hausse des recettes brutes de même ampleur, c'est à dire autour de 186,4 * 1,016 = 22 mds d'euros. Mais il faut tenir compte de trois choses (1) La hausse de la TVA ne concernera que les produits taxés actuellement au taux normal (19,6%), et non pas les produits à taux réduit, (2) si la TVA augmente, la consommation doit toute chose égale par ailleurs diminuer (selon l'élasticité-prix de la demande), (3) les entreprises peuvent modifier leurs taux de marge en fonction de la concurrence.
Sur les aspects (2) et (3), c'est assez difficile à estimer, surtout que dans le cas de la TVA sociale, il ne doit en théorie pas y avoir de hausse des prix (enfin selon ce qui est annoncé par le gouvernement, nous verrons ce qu'il en est réellement). A la louche, une hausse de la TVA de 1,6 point devrait donc, étant donné que cette hausse ne concerne que les produits initialement taxés à 19,6%, représenter une recette pour l'Etat de 10,4 milliards.
Pour tout vous avouer, le Captain' parvient à retrouver ce chiffre mais avec des calculs assez douteux... Voici tout de même mon calcul : montant conso en valeur 1200mds (60% PIB) et recettes TVA de 184mds, cela fait un taux moyen de TVA à 15,5%. Supposons qu'il n'y a que 2 taux de TVA, celui à 19,6% et celui à 7%, cela fait que environ 68% de la TVA provient des produits sont taxés à 19,6%, soit en valeur un total de 1200*0,68 = 816 mds. Augmenter de 1% la TVA uniquement pour les produits taxés à la TVA normale revient donc à une recette pour l'Etat de 720*0,1 = 8,1mds.
N'étant pas certain à 100% le Captain' va donc faire confiance à Cyril Lachevre (rédacteur en chef service macro économie du Figaro) qui m'a gentiment twitté en expliquant qu'une augmentation de 1 point de TVA taux classique entraîne une hausse de 7 mds des recettes. Le résultat est quasi le même, mais pas sur que le calcul le soit.
Bon bref, passons sur les recettes. Maintenant coté dépenses. Plus de suspense depuis hier soir, 100% des exonérations de charges iront vers les charges patronales. Les mauvaises langues parlaient d'une possible baisse des cotisations salariales, ce qui se serait traduit par une hausse du salaire net pour les employés (-> hausse des salaires qui selon le calendrier de la mise en place de la TVA aurait pu tomber pile au moment des élections, histoire de gagner quelques voix).
Cette baisse des charges patronales concerne les cotisations sociales pour la famille, et sera totale pour les salaires compris entre 1,6 et 2,1 fois le SMIC, et partielle pour les salaires entre 2,1 et 2,4 SMIC. Cette exonération partielle entre 2,1 et 2,4 SMIC permettra d'éviter les effets de seuils, c'est à dire d'éviter que les salaires soient bloqués artificiellement à 2,1 SMIC. Estimation de cette mesure? Autour de 13 milliards d'euros!
Hmmm, c'est pas équilibré tout ça Captain'? Bien vu, il manque donc 2,6 milliards pour faire que cette mesure n'ait aucun impact sur le déficit budgétaire. Et bien le gouvernement a trouvé cet argent en augmentant de 2 points de taux la CSG sur les revenus financiers. Donc, à part les revenus de votre Livret A, livret jeune ou livre de développement durable (qui sont tous les trois exonérés de charges), vous devrez à partir d'octobre payer davantage de taxes sur vos revenus financiers (loyers, intérêts, transactions financières...).
Bien on est équilibré maintenant? Mais cette réforme va t-elle vraiment être efficace? Et bien c'est un peu le problème, c'est très dur à déterminer pour le moment... Comme présenté par le gouvernement, cette réforme devrait donc permettre de taxer indirectement les importations, sans créer d'inflation et tout en améliorant la compétitivité des entreprises françaises. Pour reprendre une phrase de Nicolas Doze de l'émission "Les Experts" sur BFM Business, si la TVA sociale n'a que des avantages, pourquoi augmenter la TVA de seulement 1,6 point et non pas de 10 ou 20 points?
Car les effets sont beaucoup plus incertains, principalement en ce qui concerne l'inflation... Le Captain' ne voit pas comment, hormis sur le papier, cette mesure pourrait ne pas engendrer d'inflation (et donc entraîner une baisse du pouvoir d'achat)! Le prix des produits importés va augmenter, cela ne fait aucun doute. Hormis quelques exceptions pour lesquels certains produits français vont se substituer aux produits importés, on continuera à consommer des produits importés de Chine ou d'autres pays. Le coût salarial unitaire étant 3 fois inférieurs en Chine qu'en France, ce n'est pas 1,6 point de TVA qui va faire la différence.
Mais on peut se dire que d'un autre coté, via la baisse des charges patronales, le prix des produits "Made in France" va baisser ou au pire rester stable (donc peu ou pas d'inflation). Mais, une fois la baisse des cotisations patronales passée, les chefs d'entreprises français vont choisir ou non de répercuter cette baisse de coût dans les prix. Ceux qui défendent le fait que cela va être réellement répercuté dans les prix invoquent entre autre la forte concurrence entre les entreprises qui pourrait obliger les entreprises à baisser leurs prix HT (et donc avec une augmentation de TVA, que le prix reste stable). Mais en réalité, les chefs d'entreprises feront bien ce qu'ils veulent avec, ce qui n'est d'ailleurs pas plus mal (si une entreprise pense qu'il faut en ce moment dégager plus de marges pour investir ou préparer le futur, why not). Mais qu'on ne dise pas que cela ne fera pas augmenter les prix!
Conclusion: Il est minuit vingt, au dodo ! Autre conclusion: les effets de la mise en place de la TVA sociale sont assez incertains. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise idée, mais le Captain' trouve cela aberrant de dire que cela ne créera pas d'inflation. Résultat dans quelques mois (d'un autre coté, le FMI prévoit pour 2012 une inflation moyenne de 1,6% dans les pays développés, en baisse donc de 1,1 point par rapport à 2011, il y a donc un peu de marge).