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Le serpent monétaire européen et le système monétaire européen

15/10/2012 Le Captain' Taux de Change
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En 1992, l'investisseur américain d'origine hongroise Georges Soros fit "sauter la banque d'Angleterre", en empochant en quelques jours un petit pactole de plus d'un milliard de dollars en spéculant contre la livre sterling. Paul Krugman, prix Nobel d'économie et l'un des économistes les plus médiatiques au monde a d'ailleurs déclaré "je m'amuse à dire que l'Angleterre devrait ériger une statue de George Soros à Trafalgar Square, pour le remercier d'avoir sorti le Royaume-Uni du Système Monétaire Européen (SME)". Cette semaine, le Captain' va donc vous expliquer dans une série de trois articles (1) comment fonctionnait le serpent monétaire européen et le système monétaire européen, (2) la théorie et les modèles de crise monétaire (Obstfeld & Krugman) et (3) comment Georges Soros fit sauter la banque, en profitant des faiblesses du SME et en se basant sur la théorie des crises monétaires.

 

"I used to joke that Britain should erect a statue of George Soros in Trafalgar Square, to thank him for getting the UK out of the ERM." (Crisis - Paul Krugman 2010 - Princeton).

 

Commençons donc par le serpent monétaire européen. Entre la fin de la seconde guerre mondiale et le début des années 1970, et suite aux accords de Bretton Woods, toutes les monnaies étaient alors définies en dollar, et seul le dollar est définie en or, sur la base de "35 dollars américain l'once d'or". C'est ce que l'on appelait l'étalon de change-or, avec comme conséquence un système de change fixe entre les différentes monnaies mondiales (avec possibilité de dévaluer et de réévaluer sa monnaie en cas de déséquilibres fondamentaux avec l'accord du FMI).

 

Mais en 1971, le président Nixon supprima la convertibilité de l'or en dollar. Pour simplifier les choses, dites vous que les Etats-Unis avaient une balance des paiements négative depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ce qui impliquait une hausse des réserves étrangères en dollar dans tous les autres pays. Dans le même temps, les réserves d'or américaines diminuaient, ce qui remettait en question la convertibilité réelle du dollar en or. C'est ce que l'on appelle le paradoxe de Triffin. Selon un article du Time "A BRIEF HISTORY OF Bretton Woods System", Fort Knox contenait à cette époque seulement un tiers de l'or nécessaire pour couvrir les engagements étrangers des Etats-Unis. Bref, le système n'était plus tenable ! La fin de Bretton Woods signa le début de la période de taux de change flottant.

 

Suite à la fin de ce système, les membres de la Communauté Economique Européenne décidèrent en 1972 de créer le serpent monétaire européen, un système ayant pour but de maintenir des rapports quasi-fixes entre les différentes monnaies des pays ayant signé le pacte (variation maximale de + ou - 2,25%) afin de faciliter les échanges. Mais au cours des années 1970, de très fortes tensions sur les marchés (crises pétrolières, faiblesse du dollar..) et les divergences économiques et politiques (certains diront que c'est d'ailleurs la même chose actuellement avec l'euro) font que la plupart des membres ne parviennent pas à défendre leur taux de change (la livre sterling est par exemple dévaluée de 30% en 1976) et entraîne en seulement quelques années la disparation du serpent monétaire.

 

C'est bien beau sur le papier de vouloir garder un taux de change fixe pour stabiliser les relations commerciales entre les différents pays européens... Mais comme le Captain' vous l'a expliqué il y a quelques semaines en vous présentant le triangle d'incompatibilité de Mundell, un pays souhaitant adopter un taux de change fixe doit choisir entre (1) une parfaite mobilité des capitaux et (2) une politique monétaire indépendante, mais ne peut pas avoir les deux à la fois. 

 

Après l'échec du serpent monétaire européen entre 1972 et 1978, le système monétaire européen est créé en 1979. L'idée est la même, mais le système est plus souple avec l'introduction d'une nouvelle unité de compte, l'ECU (European Currency Unit), définie comme un panier moyen pondéré des différentes monnaies européennes et servant de cours pivot de référence. Mais comment un pays peut-il "défendre sa monnaie" ou bien "dévaluer sa monnaie" ? C'est là que rentre en oeuvre le mécanisme d'intervention de la part des banques centrales concernées.

 

Chaque fois que le pourcentage maximal de variation était atteint (à savoir + ou - 2,25%, puis + ou - 15% à partir de 1993), les banques centrales devaient intervenir sur les marchés pour empêcher que le taux de change ne sorte de la bande de fluctuation, en achetant de la monnaie en cas de baisse par rapport au cours pivot, ou bien en vendant la monnaie concernée en cas de hausse. Ce mécanisme d'intervention était de plus assorti d'une action préventive, à partir du moment où le taux de change dépassait 75% de ce pourcentage maximal.

 

Lorsqu'une monnaie divergeait à la baisse du cours-pivot, la banque centrale du pays en question devait alors prendre les mesures nécessaires pour augmenter la demande de cette monnaie et entraîner une appréciation du taux de change. Il existe différentes méthodes, dont les plus basiques sont (1) relever les taux d'intérêts et (2) utiliser ses réserves de changes.

 

Dans le 1er cas, une hausse du taux d'intérêt entraine une hausse de la demande de la monnaie. Tout simplement car si en France par exemple, les taux augmentent de 2 à 5%, alors les investisseurs étrangers demanderont davantage de franc pour profiter du taux d'intérêt avantageux du pays. Dans le second cas, la banque nationale du pays peut vendre une partie de ses réserves de change, en transformant par exemple des deutsche marks accumulés en francs (baisse de la demande de deutsche mark et hausse de la demande de franc = appréciation du franc par rapport au deutsche mark et à l'ECU).

 

Mais dans le 1er cas, une hausse de taux d'intérêt peut avoir un effet négatif sur la croissance (mais permet de combattre l'inflation) et dans le second cas, l'intervention est limitée par la taille des réserves de change du pays (à partir du moment où la Banque de France n'a plus de deutsche mark en stock, elle ne peut plus en vendre pour acheter du franc).

 

A l'inverse, si le taux de change est trop fort, la banque nationale doit soit (1) diminuer les taux d'intérêt (baisse de la demande de la monnaie concernée = dépréciation) soit (2) vendre sa propre monnaie en imprimant celle-ci (et donc en se créant des réserves de change). Mais dans ces deux cas, les pressions inflationnistes seront très importantes.

 

Conclusion: Voici donc une introduction au système monétaire européen, qui nous permettra de voir jeudi comment George Soros a t-il réussi à faire sortir le Royaume-Uni du SME en spéculant à la baisse sur la livre sterling. Comme expliqué précédemment, pour combattre une baisse de son taux de change, la banque centrale d'un pays peut (1) soit augmenter les taux d'intérêt soit (2) utiliser ses réserves de change. Mais dans le cas de l'Angleterre de 1992, aucune des deux solutions n'étaient réellement possible... Et c'est justement cela qu'avait parié George Soros, en anticipant que l'Angleterre serait obligé de dévaluer en cas d'attaque spéculative, étant donné l'incompatibilité entre la situation économique interne du pays et les efforts nécessaires pour rester dans le SME.

 



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Mais qui se cache derrière le masque du Captain'? Bruce Wayne? Peter Parker? Un lobbyiste de JP Morgan?

Et bien désolé de vous décevoir... Mais le Captain' est simplement un docteur en Sciences de Gestion (Finance), maître de conférences en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et conseiller scientifique au conseil d'Analyse Economique. Et qui profite de quelques heures par semaine pour arrêter de geeker sur ses thématiques de recherche en s'amusant à rédiger des articles plus ou moins sérieux sur l'économie et la finance.

Pour une description plus complète de ma vie, c'est ici --> Mais qui est donc le Captain'?. Et pour mes recherches académiques, c'est par là.

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