Captain Economics
  • Tous les Articles
  • Contact
  • Mais qui est le Captain' ?
  • Recherche Académique

Le triangle d'incompatibilité de Mundell: l'impossible trinité

26/09/2012 Le Captain' Théorie Economique Taux de Change
  • facebook
  • twitter
  • linkedin
  •   PDF / PRINT
  • google+
  •   Email

Pourquoi est-il impossible au sein de la zone euro que chaque pays ait sa propre politique monétaire ? Pourquoi un pays voulant instaurer un régime de taux de change fixe ne peut-il pas avoir à la fois une parfaite liberté de circulation des capitaux et une politique monétaire autonome ? Ces questions vous paraissent être du chinois ? Pourtant, les réponses sont en fait relativement simples et peuvent être expliquées en considérant le fameux triangle d'incompatibilité de Mundell.

 

Robert Mundell est un économiste canadien spécialiste de la macroéconomie internationale, à l'origine avec son camarade Marcus Flemming de la théorie de la zone monétaire optimale (voir article du Captain' sur EconomieMatin "La zone euro doit devenir "optimale" pour survivre !") et du modèle qui porte son nom, le modèle Mundell-Flemming. Docteur en économie au MIT, professeur à Columbia, il a reçu en 1999 le prix Nobel d'Economie... Un petit CV sympathique donc !

 

Au milieu des années 1960, il a développé une théorie selon laquelle un pays ne peut atteindre simultanément les trois objectifs suivants: (1) un régime de taux de change fixe, (2) une indépendance monétaire et (3) une intégration financière totale. En utilisant ce modèle, il est ainsi possible de distinguer trois scénarios:

 

triangle-mundell

 

Le contrôle parfait des capitaux: un pays opte pour les options (1) et (2), donc un pays avec un taux de change fixe (par exemple indexé sur le dollar) et une politique monétaire indépendante. Pourquoi alors ce pays ne pourrait-il pas avoir une intégration financière totale, c'est à dire une parfaite circulation des capitaux ? Si chaque pays a une politique monétaire autonome, alors le taux d'intérêt domestique (fixé par la Banque Centrale du pays) ne sera pas toujours le même que le taux d'intérêt du pays sur lequel le taux de change est indexé (dans notre exemple le taux de la Federal Reserve américaine). Hors, s'il y a libre circulation des capitaux, le différentiel de taux va créer des mouvements de capitaux; les investisseurs souhaitant placer leur argent dans le pays offrant le plus fort taux d'intérêt. De forts mouvements de capitaux vont créer une hausse de la demande de monnaie du pays ayant le plus fort taux d'intérêt et donc vont entraîner une appréciation de cette monnaie (et dépréciation de l'autre monnaie), remettant en cause l'option (1) de taux de change fixe, qui un jour ou l'autre explosera sous la pression des mouvements de capitaux.

 

L'union monétaire: un pays opte pour les options (1) et (3): un taux de change fixe et une intégration financière totale. Pourquoi ce pays ne peut donc t-il pas avoir une politique monétaire indépendante? Et bien c'est le même raisonnement que dans le 1er cas. Une politique monétaire indépendante, ayant par exemple pour objectif de contrôler l'inflation domestique, aura un impact sur le taux d'intérêt domestique de la banque centrale et va donc créer un différentiel de taux entre les pays. Si le pays est "ouvert" alors les mouvements de capitaux des investisseurs à la recherche du meilleur taux vont remettre en cause l'objectif de stabilité de change. Si un pays souhaite avoir un taux de change fixe et une libre circulation des capitaux, alors la Banque Centrale de ce pays doit répliquer les actions de la Banque Centrale du pays sur lequel le change est indexé. Ceci pose certains problèmes, car si par exemple la Federal Reserve baisse ses taux pour relancer l'économie, le pays au taux de change fixe va devoir baisser ses taux, alors que ceci peut-être contraire avec les objectifs internes du pays. Par exemple, en cas de pressions inflationnistes dans le pays domestique, un arbitrage sera nécessaire entre baisser les taux pour suivre la Fed et garder un change fixe (au risque d'augmenter l'inflation), ou bien combattre l'inflation domestique en augmentant les taux, ce qui mettrait en péril le régime de taux de change fixe.

 

Le régime de change flottant: Un pays opte pour les options (2) et (3), c'est à dire une indépendance monétaire et une intégration financière totale. Impossible donc dans ce cas là d'avoir un taux de change fixe, car une liberté de mouvement des capitaux couplée à un différentiel de taux rendraient, comme vu précedemment, le contrôle du taux de change impossible.

 

Il existe bien évidemment des scénarios intermédiaires: un pays pouvant par exemple avoir une politique monétaire indépendante (totalement ou en partie), et ensuite être à mi-chemin concernant les deux autres options, avec une liberté "contrôlée" de la circulation des capitaux et un taux de change maîtrisé mais pas parfaitement fixe. C'est par exemple le cas de la Chine, qui en limitant les mouvements de capitaux, peut via l'utilisation massive des réserves de change (lire article du Captain' "Ce que la Chine pourrait faire de ses réserves de change ...") limitée l'appréciation de sa monnaie. Mais attention, et contrairement à une idée reçue, le yuan n'est pas fixe, mais a tendance à s'apprécier depuis déjà quelques années (mais à un rythme faible par rapport à ses fondamentaux).

 

yuan-dollar

 

La France est quant à elle dans le régime d'union monétaire, c'est à dire un taux de change fixe par rapport à tous les autres pays de la zone et une parfaite mobilité des capitaux, mais bien évidemment pas de politique monétaire indépendante (la politique monétaire étant gérée par la Banque Centrale Européenne et non plus par la Banque de France comme avant la création de l'euro).

 

Conclusion: Le triangle d'incompatibilité de Mundell permet d'expliquer en partie les crises asiatiques de la seconde partie des années 1990. En effet, les pays émergents d'Asie du Sud-Est tentaient de remplir les trois objectifs, avec un taux de change fixe (ou en bande), une politique monétaire autonome et une ouverture des mouvements de capitaux. Il est possible de maintenir un taux de change fixe en accumulant ou en vendant des réserves de change, mais au bout d'un certains temps, le taux de change devient déconnecté des fondamentaux (par exemple en cas de forts différentiels d'inflation) et cela conduit nécessairement à l'explosion de l'indexation. La semaine prochaine, le Captain' vous présentera plus en détail la crise asiatique de 1997 et le modèle de crise de change d'Obstfeld, qui explique comment les attaques spéculatives peuvent contraindre un pays à abandonner la fixité de son taux de change ("Models of currency crises with self-fulfilling features").

 



Cet article est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas de Modification 4.0 International. N'hésitez donc surtout pas à le voler pour le republier en ligne ou sur papier.


  • facebook
  • twitter
  • linkedin
  •   PDF / PRINT
  • google+
  •   Email
Avatar
Le Captain'

Mais qui se cache derrière le masque du Captain'? Bruce Wayne? Peter Parker? Un lobbyiste de JP Morgan?

Et bien désolé de vous décevoir... Mais le Captain' est simplement un docteur en Sciences de Gestion (Finance), maître de conférences en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et conseiller scientifique au conseil d'Analyse Economique. Et qui profite de quelques heures par semaine pour arrêter de geeker sur ses thématiques de recherche en s'amusant à rédiger des articles plus ou moins sérieux sur l'économie et la finance.

Pour une description plus complète de ma vie, c'est ici --> Mais qui est donc le Captain'?. Et pour mes recherches académiques, c'est par là.

Dans la catégorie Taux de Change

Image

Trading sur le Forex : Comment devenir pauvre dans 90% des cas en 5 minutes ?

Image

Le Euroglut de la Deutsche Bank / 1€ = 0,95$ d'ici 2017 ?

Image

Une inflation supérieure aux attentes entraine t-elle une appréciation ou une dépréciation du taux de change ?

Le Captain' en librairie

Sortie le 28 février 2023

Recherche Rapide

Rejoins le Captain'

TWITTER
6400+ Followers
LINKEDIN
LE CAPTAIN'... SANS SON MASQUE
STATS & VISITEURS
30.000 visiteurs / mois
FLUX
RSS
Captain Economics

Captain' Teaching



Tweets de @captaineco_fr

Recherche Thématique

Banque Centrale EuropéenneBlogBulleChômageComportement des InvestisseursCrise FinancièreCrise Zone EuroDette PubliqueEconométrieEconomie InternationaleEfficience des MarchésImmigrationImmobilierInégalitésInflationIntroduction en BourseMarchés FinanciersMédiasMonnaiePolitiquePouvoir d'AchatProbabilitéProtection et RégulationPubliRédactionnelRégulation FinancièreTaux d'intérêtTaux de ChangeTeam du Captain'Théorie EconomiqueThéorie FinancièreTwitter

Articles récents

Image
01
fév 2022

L'essor de l'intelligence artificielle : vers un monde sans travail contrôlé par des robots ?

Image
19
jan 2022

Le paternalisme libertarien : influencer pour améliorer le bien-être des individus ?

Image
08
nov 2021

Etes-vous pauvre ? Mesures de la pauvreté et impact sur le taux de pauvreté

Image
27
oct 2021

Taxer les transactions financières : une vraie fausse bonne idée ?

Image
04
oct 2021

L'argent fait-il le bonheur ? Le Paradoxe d'Easterlin

Image
17
sept 2021

Stratégie de trading : comment faire la différence entre normalité, chance et talent ?

Captain Economics - Blog sur l'économie, la finance et autres joyeusetés. Le Captain' décline toute responsabilité en cas d'analyses stupides entraînant une crise financière interplanétaire.